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PATIENTS

Coup de coeur

Victime d’un accident, Ben est transféré dans un centre de rééducation francilien. Pour ce basketteur qui rêve de devenir prof de sport, une nouvelle vie commence. Avec elle, la lutte contre la tétraplégie. 

Roulez jeunesse.

Même avec tout le talent du monde, il n’est jamais vraiment aisé de passer d’un art à un autre. En très peu de temps, la France cinéphile a connu deux sorties conjointes réalisées par des artistes du rap. Après Les Derniers Parisiens du duo Hamé et Ekoué de La Rumeur, c’est au tour de Grand Corps Malade d’adapter l’histoire de sa vie sur grand écran, après un passage remarqué par la case littérature. Il est accompagné à la réalisation par Mehdi Idir, grand ami du slammeur, réalisateur de ses clips et auteur ici de son premier long-métrage.

« Il est à qui, ce tétra ? »

Vue à la première personne, flou, lumière aveuglante, couloir clinique et agitation chaotique. Allongé sur un brancard, le spectateur est trimbalé dans son sujet avec la même violence que le choc subi par le protagoniste. « Il est à qui, ce tétra ? » gueule un chirurgien. Pas de doute possible. Patients s’ouvre, et il est frontal. Le spectateur découvre peu à peu Ben, interprété par l’excellent Pablo Pauly (LascarsLa fille de Brest), ancien basketteur qui dépend désormais de ses aides-soignants pour à peu près tout. Pas de mélodrame superflu : Ben est aimé de ses parents, souvent présents à ces côtés, n’est pas maniaque, ni angélique, ni crevard, ni grand cœur. Lui a la chance de progresser, de se débarrasser peu à peu de ses paralysies à force de travail et d’opportunité. Ce n’est pas le cas de tous.

Patients, dans sa version littéraire, possède énormément de personnages. Pour que la narration reste maîtrisée, Grand Corps Malade et Fadette Drouard, sa co-scénariste, ont dégraissé jusqu’à rassembler des dizaines de profils en quelques identités. S’en suit une des grandes réussites du film : son casting. Tous, de l’expérimenté Farid (Soufiane Guerrab) aux torturés Toussaint (Moussa Mansaly) et Steeve (Franck Falise) en passant par Samia (Nailia Harzoune), le kiné François (Yannick Renier) et les aides-soignants (Alban Ivanov et Anne Benoît), contribuent à faire du centre de rééducation un lieu multiple, authentique. En un mot, vivant.

C’est qu’il faut bien en trouver, des astuces, pour « niquer des heures », selon l’expression désignée pour outrepasser l’ennui mortuaire des lieux et les murs physiques et psychologiques qui s’érigent contre les souffrants. Pourtant, Patients n’oublie pas d’être drôle. Non pas malgré son sujet, mais plutôt grâce à son sujet. Dans un même courant que Et les mistrals gagnants, la force de caractère des personnages, même ici fictifs, se matérialise dans un réseau de dialogues ciselés, au tempo parfaitement cadencé. L’humour fait mouche à tous les coups. Rajoutez à cela quelques références mi-90’s bien senties, issues de la temporalité même du film, et Patients se révèle être complet, fin et fort à la fois.

Il se rêve debout

Il émane de Patients deux qualités fondamentales qui traversent le film de bout en bout : la complicité, et l’honnêteté. L’une ne va pas sans l’autre. Tourné sans grande débauche de moyens et dans un processus créatif contrôlé, Grand Corps Malade et Mehdi Idir font toujours primer l’authenticité face au carcan de genre ou à l’impératif émotionnel. Ils ne trichent pas avec le segment de vie de Ben. Plutôt que d’enfermer leurs personnages dans des tracés tous faits, ils n’hésitent pas à laisser des mots en suspens, des relations incomplètes, des douleurs encore vives et des espoirs irréalisés, et parfois, irréalisables.

« Comme en vrai », se dit-on un peu naïvement. Mais cette naïveté est justement provoquée par un équilibre permanent, un exercice de funambule qui transpire de poésie justement parce que les deux auteurs et leur casting ont su répéter encore et encore leurs gammes techniques jusqu’à les faire complètement disparaître. En tenant haut son propos sans jamais se compromettre, Patients offre une jolie preuve que le cinéma français peut tout à fait être convainquant, profond, drôle et émouvant, sans être obligé de transformer son personnage principal en animal rigolo ou à abattre la carte du burlesque huitième degré.

La fiche

PATIENTS
Réalisé par Grand Corps Malade & Mehdi Idir
Avec Pablo Pauly, Soufiane Guerrab, Moussa Mansaly, Nailia Harzoune…
France – Comédie
Sortie : 1 mars 2017
Durée : 110 min




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mickael
mickael
7 années il y a

Rien à rajouter vraiment…tu as tout dit je pense, et en terme d’authenticité, le film vaut son pesant….et pleinement… Une simple question qui m’interpelle : pourquoi n’avoir mis que 7 finalement ? Car honnêtement, j’y verrais un bon 8, voir 9. Bien à toi !

vitamine68
vitamine68
7 années il y a

J’ai eu la chance de découvrir ce film grâce à vous et je vous en remercie encore. 🙂
En effet un film réaliste et très juste.Je dois dire que je suis malade (et aussi diététicienne) donc le milieu médical je connais,mais voir Ben avec une sonde naso-gastrique peut choquer .
Par ailleurs ce film a le mérite de peindre toutes les personnalités : du gars super optimiste qui a un mental d’acier à la jeune femme au passé suicidaire en passant par je dirais « le blasé » qui vit avec. Et les douloureux « verdict » et « paroles chocs » des médecins (que j’ai souvent moi même connu) qui vous mette face à la dure réalité : il faudra vivre avec! Quelques pointes d’humour bien placées, sans être lourdes : ce fameux Jean-Michel qui réveille Ben en fanfare .On ne peut s’empêcher de rire! Même si eh oui ils existent les Jean-Marie, je peux le confirmer! En somme j’ai beaucoup aimé et je le recommande vivement. Aucun temps mort et on s’attache très vite à Ben!

POULE Paul
POULE Paul
7 années il y a

Excellent moment de cinéma! « Jouissez de la vie; Il est plus tard que vous ne le pensez » écrit Lellouch au début de « L’Aventure ». J’y ai beaucoup pensé en regardant ce film car les accidents sont vite arrivés… et on regrette de ne pas avoir vécu. L’aspect social n’est pas oublié lorsque Steeve se demande pourquoi il n’y a pas de Pierre-François dans ce centre de rééducation! Bonne question! Où est la réponse? Les « blindés » n’ont pas d’accidents moteurs???
Ne ratez-pas ce grand moment de cinéma qui, après le très bon « De plus Belle » avec la remarquable Foresti, démontre que notre cinéma français est excellent et rempli de talents.
Courez-vite au ciné!

Thomas Périllon
Administrateur
Répondre à  POULE Paul
7 années il y a

De plus belle fut, effectivement, une relative bonne surprise.

Thomas Périllon
Administrateur
Répondre à  vitamine68
7 années il y a

Nous sommes ravis que le film vous ait plu, c’est pour cela qu’on essaie de faire découvrir des films qui valent le coup 🙂 A bientôt !

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