DEUX MOI
La ficheRéalisé par Cédric Klapisch – Avec Ana Girardot, François Civil, François Berléand, Camille Cottin – Comédie dramatique – France – 11 septembre 2019 – 1h50
La critique du film
Après une escapade dans le vignoble bourguignon, Cédric Klapisch revient à l’effervescence des grandes villes. On le sait, le cinéaste aime filmer les villes, leurs quartiers, leurs ambiances. Barcelone dans L’Auberge espagnole, New York dans Casse-tête chinois, Paris dans Deux moi. Comme elle l’avait déjà été dans Chacun cherche son chat et Paris, la capitale est presque ici un personnage à part entière. Si on ressent toujours l’amour du cinéaste pour cette ville, elle est aussi ici une menace. Trop grande, trop peuplée, elle noie les êtres. Et parmi eux, Rémy et Mélanie, deux trentenaires célibataires, qui vivent leur routine métro/boulot/dodo seuls dans leurs appartements et flirtent avec la dépression. Les immeubles de Rémy et Mélanie sont mitoyens, ils se croisent mais ne se voient pas, mais peut-être qu’un jour…
La trame de Deux moi n’est pas sans rappeler celle de la jolie comédie romantique argentine Medianeras, sortie en 2011. Cédric Klapisch choisit en effet le même angle de la comédie tendre et mélancolique pour traiter du sujet de la solitude dans les grandes villes. En observateur de son temps, le cinéaste capte ce paradoxe amplifié aujourd’hui par la multiplicité des réseaux sociaux, qui biaisent les relations entre les êtres. Facebook permet de retrouver des vieilles connaissances qu’on avait sûrement choisit d’oublier pour une bonne raison (scène mémorable avec la sympathique participation de Pierre Niney) ; Tinder ne permet pas de trouver une âme sœur cachée à l’autre bout de la ville mais juste de faire son marché parmi des gens qui sont juste à côté de nous. Les deux personnages sont largués dans ce monde ultra-connecté auxquels ils ne sont pas adaptés.
Ce qui nous lie
Pour Klapisch la solution se trouve donc dans le retour aux relations humaines réelles, notamment avec un épicier de quartier gentiment malhonnête campé par Simon Abkarian, ou encore avec une collègue (pétillante Eye Haïdara) au milieu d’une immense plateforme téléphonique impersonnelle. Mais dans une époque où on ne fait plus attention à personne, et à soi en premier, le cinéaste invite également ses personnages à se retrouver eux-mêmes, à travers des psychothérapies. Souvent moquées au cinéma, les séances chez les psys le sont un peu également au début de Deux moi, mais plus parce que les deux personnages principaux se sentent étrangers à ce milieu. François Berléand (qui n’a jamais été aussi calme) et Camille Cottin (barrée mais subtile) apparaissent au départ comme des caricatures de psys, mais vont progressivement basculer vers plus de nuances et devenir des personnages extrêmement attachants et nécessaires à l’évolution des deux héros.
Les scènes chez les psys sont assez représentatives du cinéma de Cédric Klapisch, et de Deux moi en particulier, qui ne renie jamais sur un humour franc (mais toujours fin et bienveillant), tout en assumant de devenir grave quand il le faut. Le cinéaste a un talent certain pour capter les émotions du quotidien, à emporter son spectateur avec de simples trames de vie mais auquel celui-ci peut s’identifier et s’attacher. Deux moi s’avère particulièrement réussi dans le genre, la narration du film ne reposant finalement que sur le faux-suspense « Rémy et Mélanie vont-ils se rencontrer ? ». Si cela fonctionne aussi bien c’est parce que le cinéaste s’entoure toujours des bons comédiens. Pour Deux moi, il fait de nouveau appel à Ana Girardot et François Civil, déjà au casting de Ce qui nous lie. La première livre une nouvelle fois une prestation subtile, tendre et touchante. Le second, dont on peut décidément dire que 2019 est son année, révèle une belle fragilité et un jeu parfaitement nuancé.
Avec Deux moi, Cédric Klapisch livre une nouvelle comédie tendre dans l’air du temps (peut-être sa meilleure depuis Les Poupées russes) dans laquelle les amateurs du cinéaste auront un plaisir fou à se plonger.