still_tammy-faye

DANS LES YEUX DE TAMMY FAYE

Partis de rien, Tammy Faye et son mari Jim Bakker parviennent dans les années 1970 et 1980 à créer la plus grande chaîne de télévision évangélique au monde, ainsi qu’un parc à thème d’inspiration religieuse. On les adule alors pour leur message d’amour, de tolérance et de prospérité. Tammy Faye devient une icône avec ses faux cils permanents, ses talents très singuliers de chanteuse et son irrépressible envie de tendre la main à tous ceux qui croisent sa route.

Critique du film

Le télévangélisme est un phénomène médiatique bien difficile à appréhender hors du continent américain. Qui mieux dès lors qu’un homme de télévision comme Michael Showalter pour s’attaquer à cette redoutable thématique regroupée autour du couple formé par Jim et Tammy Faye Bakker. Le film a d’emblée tous les défauts d’un projet de type biopic : linéaire, égrainant les années, avec tous les passages obligés narratifs qui sont autant de lourdeur à digérer pour dresser un portrait de femme qui aurait mérité plus de risques dans le traitement et la mise en scène.

Jessica Chastain incarne cette femme pieuse mais ouverte d’esprit qui commence sa vie dans une famille nombreuse très modeste, pour ensuite bâtir un empire médiatique dont on mesure mal la puissance vu d’Europe. Comme le cite un dialogue, ce sont plus de vingt millions de téléspectateurs qui sont ainsi touchés par les programmes du groupe des Bakker chaque jour, entre prosélytisme chrétien exalté, mais aussi thèmes de société plus divers comme l’apparition du SIDA dans les années 1980, les troubles érectiles, ou des chansons surfant sur la vague du rock chrétien. Autant de sujets qui ne font pas peur à Tammy Faye, loin du puritanisme homophobe et xénophobe d’un Falwell, révérend baptiste manipulateur d’opinion et faiseur de rois chez les Républicains américains.

La direction artistique prend le parti de représenter les Bakker comme des monstres de foire, avec leurs joues hypertrophiées, un aspect presque plastique de leur physique, ce dès les tous débuts de l’histoire et leur rencontre à l’université. Andrew Garfield est presque méconnaissable en Jim Bakker, archétype de la fausseté, du sourire fabriqué, cachant tout derrière une image qui est son fonds de commerce pour lever des fonds jamais suffisants étant donné le gigantisme des projets lancés par le groupe dont il est le fondateur. Le réalisateur pousse toujours plus loin la farce et les paillettes pour dessiner des personnages et un entourage toujours plus monstrueux et ridicule.

Ce n’est que quand ils ont tout perdu, chute annoncée dans l’introduction du film raconté ensuite en flash-backs chronologiques, que le vernis s’écaille et dévoile la véritable nature pathétique qui s’y cachait. Après avoir subit un mariage triste et terne, Tammy Faye est seule, sans qu’on sache ce que sont devenus ses enfants quasiment absents du film, luttant pour continuer à travailler et exister dans ce métier qui fut toute sa vie. Consciente de son image et du regard des autres, elle ne se défausse jamais, affrontant avec un très beau courage les quolibets et remarques désobligeantes. Il est dommage que l’étude de la singularité de cette femme ne soit restée qu’en surface.

Engagée dans la défense des malades du Sida, ne rejetant aucunement les homosexuels, Tammy Faye Bakker est restée toute sa vie dans sa ligne de conduite, à la racine du message du Christ, aimer chacun, dans un partage sans faille. Ce message aurait mérité plus d’audace car le sujet était beau et passionnant, au delà d’un château de carton-pâte construit sur du mensonge et un goût du luxe très outrancier. La narration trop conventionnelle choisie ne sert pas le romanesque dont aurait eu besoin le film qui connaît beaucoup de moments de creux et de faiblesses. Il demeure une très convaincante performance de la part d’une Jessica Chastain impeccable et digne sous ses kilos de maquillage, transpirant l’émotion et l’honnêteté dans ces combats si atypiques au sein de la communauté évangélistes américaines.

Bande-annonce

23 mars 2022 (Disney+) – De Michael Showalter
avec Jessica Chastain, Andrew Garfield et Vincent D’Onofrio.


Présenté en séance spéciale au Festival International de La Roche-sur-Yon





%d blogueurs aiment cette page :