Cleo melvil et moi

CLÉO, MELVIL ET MOI

Dans le Paris désert du premier confinement, Arnaud, 55 ans, séparé d’Isabelle et père de deux enfants, va profiter de ces 55 jours pour prendre soin d’eux et faire le point sur sa vie ; ce qui le conduit aux souvenirs mais aussi à l’avenir… L’avenir, c’est peut-être Marianne, la pharmacienne du quartier… Ses yeux sont verts, et derrière la vitre en plexiglas, une attirance va naître.

CRITIQUE DU FILM

Avec son quatrième film, Cléo, Melvil et moi, Arnaud Viard revient à la sève de son cinéma, une auto-fiction qu’il aime cultiver depuis Clara et moi en 2003. Ce nouveau projet explore un double fond intrigant : être à la fois en lien avec le contemporain, situé en plein confinement du printemps 2020, mais aussi dans cette introspection qui puise dans le passé pour mieux se projeter dans l’avenir. C’est dans un noir et blanc très germano-pratin que nous accueille l’acteur-réalisateur, comme pour créer une filiation très évidente avec la Nouvelle-vague, que ce soit par le territoire ou un goût des situations aux références très explicites. Le réalisateur se met en scène avec ses propres enfants, dans ce moment si particulier qui touche chacun et chacune à sa manière.

Si pour beaucoup c’est un traumatisme, la perte de proches, ou une incapacité à se mouvoir en toute liberté, pour Arnaud Viard c’est un moment de réflexion, de pause qui est accueilli avec beaucoup d’enthousiasme. On s’occupe de ses enfants, on écrit, et peut-être se remet-on à aimer, car même dans ces instants une histoire peut naître, protégée par le vide des rues et l’absence de problématique professionnelle. Viard parsème son film d’un humour qui permet de tolérer ce cadre très bourgeois et des problématiques de vie presque triviale surtout en la circonstance. Le 6ème arrondissement de Paris est vide, tous et toutes auraient migré vers l’île de Ré, pays de Cocagne des très riches habitants de ce quartier ultra privilégié de la capitale.

Cette lucidité donne un charme particulier au film, une sorte de vernis qui rend possible l’aventure qui, même courte, aurait pu vite tourner au vinaigre. L‘autre bonne idée du film est de figurer les souvenirs par la voix off de l’écrivain qui se retourne vers sa vie, pour la première fois depuis longtemps il n’a plus d’autre actualité que cette réflexion continue. L’obsession du père est un motif qui est là depuis le premier film du réalisateur en 2003, une forme de réconciliation jamais totalement achevée tant le patriarche semble une figure d’autorité sanctifiée. Ce lien filial magnifiquement mis en valeur est la seconde valeur ajoutée d’un script qui avait tout pour faire grincer des dents.

Malgré ces qualités évoquées, il demeure difficile de ne pas trouver par séquences le temps long dans Cléo, Melvil et moi. On peut penser que c’est quelque part une forme de logique, tant ces quelques semaines du début de l’année 2020 furent un marathon de silence dans une ville qui a l’habitude d’être habitée par le bruit et le tumulte. Le film de confinement est devenu une forme de classique qu’il est difficile pour le moment d’analyser, et qui trouve sans doute sa meilleure expression dans le court-métrage et dans l’audace qui le caractérise, que ce soit formellement ou dans ses idées. Le film d’Arnaud Viard a beau être charmant et intelligent, il manque parfois de ce saut dans le vide qui compose les plus beaux films. Cléo, Melvil et moi remplit un intervalle très court et très mince, mais peut être est-ce déjà beaucoup, avant de passer à autre chose dans nos vies, loin des confinements de toutes sortes.

Bande-annonce

5 juillet 2023 De et avec Arnaud Viard, Marianne Denicourt et Romane Bohringer.




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