APRÈS LA TEMPÊTE
Malgré un début de carrière d’écrivain prometteur, Ryota accumule les désillusions. Divorcé de Kyoko, il gaspille le peu d’argent que lui rapporte son travail de détective privé en jouant aux courses, jusqu’à ne plus pouvoir payer la pension alimentaire de son fils de 11 ans, Shingo. A présent, Ryota tente de regagner la confiance des siens et de se faire une place dans la vie de son fils. Cela semble bien mal parti jusqu’au jour où un typhon contraint toute la famille à passer une nuit ensemble…
Temps plus vieux.
D’années en années, les films de Kore-Eda créent d’impatients rendez-vous, toujours attendus comme de fines bulles de bonheur éclatantes d’humanité et de bienveillance. Merveilles de subtilité, Still Walking, Tel père, tel fils ou I Wish ont ainsi su démontrer toute l’habileté du réalisateur dans l’art de filmer une famille, qu’elle soit déconstruite, unie ou vacillante. Pourtant, après le tendre mais déjà ronronnant Notre petite sœur, présenté en compétition cannoise il y a deux ans, son dernier-né, Après la tempête, vient s’enfoncer dans les profondeurs labyrinthiques d’une thématique au traitement désormais prévisible. Sans regagner pleinement son habituelle dextérité, le cinéaste japonais y ressasse alors les figures d’un univers coutumier aux allures de petit concentré d’excellence.
« Tout le monde ne peut pas devenir celui qu’il voulait être » : en partant d’un constat à la cruelle lucidité, Hirokazu Kore-Eda s’est replongé dans ses souvenirs d’enfance (un ensemble de résidences sublimé après l’orage) à la lumière de sa vie d’adulte pour en extraire un film teinté d’une inconsolable mélancolie. Ayant vu la réussite s’échapper malgré un premier roman auréolé d’un prix littéraire, le personnage de Ryota, écrivain en panne d’inspiration, voit ses illusions se perdre à mesure que le temps passe. Père absent auprès de son fils, incapable de subvenir à ses besoins, il a raté sa carrière et délaissé sa femme en poursuivant des rêves rattrapés par la réalité. À travers lui, le réalisateur narre la douloureuse prise de conscience de ceux pour qui talent et ambition n’ont jamais su s’accorder. De cette existence déceptive, chacun finit par extirper ce qu’il peut : une passion, un enfant, un amour perdu, des instants suspendus prenant le pas sur l’espoir qui s’amenuise.
Sous ce propos fort, Kore-Eda signe un objet délicat mais trop fragile face à la solidité de ses prédécesseurs. Caractérisé comme un « beau film mineur » par Thierry Frémaux lors de sa sélection cannoise à Un Certain Regard en 2016, Après la tempête laisse entrevoir, pour la première fois, les coutures d’un cinéma apprécié pour cette simplicité tant convoitée. D’une forme inhabituellement fonctionnelle à un récit aux imposantes ficelles (le typhon rassembleur) et aux dialogues très écrits, le long-métrage se retrouve privé d’envol, ramené à une justesse en si bémol dans une poignée de scènes touchantes. Il faut alors attendre une deuxième heure plus convaincante avant de voir enfin la douceur poindre sous l’amertume, le beau temps succéder à la pluie.
La fiche
APRÈS LA TEMPÊTE
Réalisé par Hirokazu Kore-eda
Avec Hiroshi Abe, Yoko Maki, Yoshizawa Taiyo
Japon – Drame
Sortie : 26 avril 2017
Durée : 118 min