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FREDA

Freda habite avec sa mère, sa soeur et son petit frère dans un quartier populaire d’Haïti. Ils survivent avec leur petite boutique de rue. Face à la précarité et la violence de leur quotidien, chacun cherche une façon de fuir cette situation. Quitte à renoncer à son propre bonheur, Freda décide de croire en l’avenir de son pays.

Critique du film

Première fiction de Gessica Généus (auparavant réalisatrice de documentaires), Freda est avant tout le nom d’une jeune adulte en quête d’émancipation dans un pays encore meurtri par le terrible tremblement de terre qu’il a connu en 2010. Le film se place huit ans plus tard, alors que l’aide internationale peine toujours à se matérialiser et que les manifestations populaires anti-corruption généralisent le recours à la violence dans l’ensemble de la société. Depuis la petite épicerie que tient sa mère, Freda est confrontée à cette colère ambiante alors qu’un homme est abattu devant sa porte, le jour – précisément – de la fête des Morts. L’irruption de la mort physique ne saurait occulter des démons plus intimes et le film ne cessera dès lors d’être traversé par les tentatives de sa protagoniste principale de révéler des traumatismes profondément enfouis.

PORTRAIT D’UNE JEUNE FILLE EN FEU

Non seulement spectatrice du tournant historique que connaît son pays, Freda se montre résolument critique, face à certains camarades d’université, quant à la prédominance toujours visible du français – la “langue du colon” – dans les services publics nationaux, au détriment du créole haïtien. L’usage du créole tout au long du film résulte par ailleurs d’un combat de Gessica Généus, qui ne se voyait pas réaliser son long-métrage dans une autre langue. La réalisatrice, dont les documentaires questionnaient déjà les fondements de l’identité haïtienne contemporaine, figure dans Freda la tentation de l’ailleurs à laquelle sont nécessairement confrontés les habitants de l’île aujourd’hui, les jeunes de surcroît.

Partir ou rester, tel est le dilemme qui se pose à des êtres privés d’un futur radieux dans leur pays.

Gessica Généus prend de biais le destin d’une famille populaire, où les femmes ont pris le pouvoir abandonné par les hommes (qui n’ont, dans le film, que des rôles de faire-valoir). Sa mise en scène, volontairement sobre, vise à représenter tous les personnages sur le même plan, dans un souci de réalisme hérité du registre documentaire. Elle peine cependant à convaincre lorsqu’il s’agit de figurer à l’écran les rapports de force qui s’opèrent fatalement entre classes d’âge et classes sociales et privent les deux jeunes sœurs de la réussite à laquelle elles aspirent. Il manque dès lors à Freda d’un véritable point de vue d’auteur sur ses thématiques – par ailleurs trop nombreuses et trop denses pour être réellement abordées en profondeur le temps d’une fiction d’une heure trente. Paradoxal quand on sait que le film est sélectionné au Festival de Cannes dans la catégorie Un certain regard.

RIEN DE NOUVEAU SOUS LE SOLEIL

Si elle parvient – de justesse – à éviter un manichéisme de mauvais aloi, Gessica Généus érige des personnages féminins trop faiblement caractérisés et rendus fonctionnels par un scénario pauvre en rebondissements. Emmené par une Néhémie Bastien qui sauve quelque peu le film par sa belle impétuosité, Freda ne parvient que trop rarement à n’être autre chose qu’un coming-of-age assez prosaïque, aux grosses ficelles d’écriture et à la structure narrative alambiquée.

Alors qu’il ambitionnait de rendre compte du désarroi d’une jeunesse face à la situation politique et économique de son pays, le long-métrage multiplie les portes d’entrée et finit par perdre son spectateur dans un dédale de scènes vaguement liées entre elles et dont on peine à déterminer un véritable fil conducteur. Gageons que les prochaines œuvres de Gessica Généus retrouveront l’authenticité et la puissance dramatique de ses productions précédentes, le multi-récompensé Douvan Jou Ka Leve en tête.

Un Certain Regard




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