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THEE WRECKERS TETRALOGY

Quatre mecs, un groupe. Quatre histoires, un film : Thee Wreckers Tetralogy. Un cadavre exquis s’attachant aux déambulations d’un groupe de rock virtuel, où la musique redonne vie aux fantômes et ravive les souvenirs, les illusions, les sacrifices. Un trip musical résolument Rock, convoquant l’esprit des artistes, à la fois jeunes, vieux, morts et éternels.

Critique du film

Décédé le 7 mars 2019 des suites d’un cancer, le réalisateur, illustrateur et musicien néerlandais Rosto a laissé derrière lui une oeuvre passionnante, quelque soit le medium utilisé (musique, cinéma, bande-dessinée, peinture), qui se caractérise toujours par une inventivité absolument remarquable. Même si l’on pourrait citer Terry Gilliam ou David Lynch comme des références évidentes, l’étrangeté de ses films était unique, complexe, éminemment personnelle, et toujours très « accueillante » à l’égard des spectateurs. Rosto était un artiste « visionnaire » au sens premier du terme, invoquant dans son art les fantômes biscornus d’une rêverie obsédée par la mort et la renaissance. Thee Wreckers Tetralogy réunit ainsi quatre magnifiques courts-métrages de l’artiste, qui les avait conçus comme un cadavre exquis, chaque nouvel épisode commençant là où le précédent se termine. Le premier volet s’intitule No Place Like Home (2008), le second Lonely Bones (2013), le troisième Splintertime (2015), et le dernier Reruns (2018). 

Le principal fil conducteur du film est la mort de « The Wreckers », le groupe originel de Rosto, ainsi que sa renaissance sous la forme de « Thee Wreckers », un groupe virtuel se consacrant principalement à la bande son de ses films, et notamment à celle des quatre courts-métrages composant cette tétralogie. La musique et le design sonore y occupent ainsi une place prépondérante, sorte de quatrième dimension redoublant l’image d’une atmosphère rock et mélancolique assez hypnotique. Pour reprendre les mots de Rosto lui-même, « le son vous englobe et vous pousse à l’intérieur du film ». D’une sordide chambre d’hôtel jusqu’aux abysses d’une inquiétante ville sous-marine, la musique nous transporte dans un univers total, caractérisé par un foisonnement graphique impressionnant, ainsi que par des lois spatio-temporelles qui lui sont propres.

Aussi la continuité n’est-elle pas définie par le temps, mais par la persistance de certains motifs. On pense notamment à cette tête cadavérique emmenée d’urgence au milieu de nul part par une étrange infirmière-danseuse, avant de se retrouver engloutie par les eaux, au milieu d’une ville illuminée par les souvenirs personnels du réalisateur, qui finit littéralement à l’état de squelette. L’image est troublante, dans la mesure où l’artiste a inconsciemment (?) prémédité sa disparition dans sa propre création artistique. On pense alors à l’album « Blackstar » (2016) de David Bowie, sorti seulement deux jours après sa mort, et dans lequel il évoquait de façon glaçante sa disparition imminente. Cette maîtrise artistique jusqu’au-boutiste imprègne clairement l’oeuvre de Rosto, que l’on pourrait qualifier d’alchimique, dans la mesure où elle se caractérise par la matérialisation de l’esprit et la spiritualisation de la matière.

Le film se conclut par un documentaire d’une quinzaine de minutes, bienvenu dans la mesure où il nous éclaire partiellement sur l’univers complexe de l’artiste, ainsi que sur les multiples techniques d’effets spéciaux (animation 3D, prise de vues réelles, animation en volume, motion capture…) qui ont été utilisées pour réaliser les quatre courts-métrages. Lorsque la lumière se rallume, on comprend que le monde a perdu un grand artiste en la personne de Rosto. Son oeuvre encore trop confidentielle mérite amplement d’être découverte, et peut même être considérée comme l’une des propositions artistiques les plus singulières de ces dix dernières années.

Bande-annonce

4 mars 2020 / Réalisé par Rosto



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