NOVEMBRE

NOVEMBRE

Une plongée au cœur de l’Anti-Terrorisme pendant les 5 jours d’enquête qui ont suivi les attentats du 13 novembre.

Critique du film

Un an après le succès de BAC NORD, Cédric Jimenez revient avec un nouveau film qui va encore faire parler, tant dans la presse spécialisée que dans les médias traditionnels. Comme pour son précédent, le réalisateur puise dans l’actualité récente de notre pays, avec un sujet des plus sensibles puisqu’il traite de l’enquête qui a suivi les attentats du 13 Novembre 2015 à Paris. Avant de voir plus en détail ce qu’il en fait, reconnaissons au réalisateur un certain courage en s’attaquant à pareille histoire, tant l’émotion suscitée par cet événement a été grande et a marqué la mémoire de tous les français.

Une chose est certaine avec le cinéma de Cédric Jimenez, c’est que le cinéaste sait utiliser une caméra. Cadres soignés, rythme soutenu, il n’y a vraiment pas grand chose à redire à ce niveau-là. La tension est permanente, les séquences et les diverses pistes de l’enquête se succèdent et se mêlent avec aisance. Et bien que l’on ne retrouve pas le niveau d’intensité des assauts vus dans BAC NORD, celui qui conclut Novembre constitue un moment fort du film.

Paradoxalement, cette maîtrise technique peut desservir le film, en se faisant parfois un peu trop sentir, comme avec la bande son qui rajoute une surcouche à une tension ou une émotion déjà naturellement palpable, ou avec certains effets de style qui renforcent la carte du thriller nerveux dans une histoire qui reste avant tout un traumatisme national. On peut dès lors légitimement se poser la question du timing pour ce film qui sortira au mois d’octobre, sept ans après les attentats et alors que le verdict de leur procès vient tout juste d’être rendu en ce 29 juin. Mais plus que le temps qui s’est suffisamment écoulé ou non, les interrogations que soulève le film viennent de l’intérêt même de celui-ci.

Novembre

Dans le procédé, le film de Jimenez rappelle Zero Dark Thirty de Kathryn Bigelow qui retraçait la traque d’Oussama Ben Laden durant les années qui ont suivi les attaques du 11 Septembre 2001. Mais à la différence du film américain, Novembre ne se déroule que sur cinq jours, et ne se consacre qu’à l’enquête et rien d’autre. On suit le déroulé des recherches menées par les membres des services de la SDAT (Sous-direction anti-terroriste), on y découvre leur méthodologie mais aussi leurs erreurs et leurs improvisations. Le film est une poursuite effrénée et les policiers sont dans un tunnel durant toute la durée. On sent la pression qui s’exerce sur leurs épaules, leur obligation de résultat face à une menace toujours présente et prête à frapper encore, mais nous ne découvrons rien de leur vie en dehors de leur travail, et de l’impact de celui-ci sur leur entourage.

Difficile de s’attacher aux différents personnages à l’œuvre, puisque peu de matière nous permet de cerner leur personnalité. On comprend le rôle de chacun, mais ça ne va guère plus loin. Il n’y a que les personnages d’Anaïs Demoustier et Lyna Khoudri qui parviennent à nous toucher réellement. La première dans le rôle d’une jeune policière qui doit surmonter ses erreurs de débutantes pour trouver la force de suivre ses convictions. La deuxième dans celui d’une citoyenne dépassée par les évènements et embarquée dans cette affaire malgré elle. Mais pour ce qui est des autres membres de la SDAT, qu’il s’agisse des personnages interprétés par Jean Dujardin, Sandrine Kiberlain ou Jérémie Rénier, ils n’ont malheureusement que des rôles purement fonctionnels.

Novembre

La vraie limite de Novembre concerne sa nature même et en particulier son absence de réel point de vue. À trop vouloir éviter la polémique comme celle qui a entouré la sortie de BAC NORD, le réalisateur marseillais oublie d’apporter un regard sur les évènements, autre qu’une compilation des faits. C’est sans doute intéressant pour quiconque ne connaîtrait pas les détails de l’affaire, mais tous ceux qui ont suivi le dossier, lu des articles de presse, n’apprendront pas grand chose, et le film ne propose pas de réflexion ou de parti pris qui pourrait compenser cet état de fait. Le film ne s’interroge ainsi jamais sur d’éventuels dysfonctionnements des services de sécurité, ni sur la réaction de la société qui a suivi. Hormis une qualité de mise en scène notable et l’aspect d’un thriller plutôt efficace, on ne voit pas bien ce que le film apporte de plus sur le sujet que n’aurait pu le faire un documentaire.

Si la reconstitution est particulièrement poussée, le film a la pudeur bienvenue de ne rien montrer des attentats. Ceux-ci sont évoqués au travers de la réaction des membres de la SDAT qui apprennent les événements en temps réel. En revanche, le choix du metteur en scène de montrer régulièrement le vrai visage de certains des terroristes est particulièrement gênant quand les victimes sont elles quasi-absentes du film. Il est assez perturbant de voir plusieurs des responsables des attentats avoir ainsi droit à la postérité du cinéma, et ce jusque dans la dernière image du film.

Si Novembre ne parvient pas à égaler BAC NORD, il présente néanmoins une réelle qualité cinématographique. En revanche, en voulant sans doute éviter d’éventuelles polémiques sur un sujet aussi brûlant, Cédric Jimenez en oublie malheureusement de nous donner son regard sur ces événements tragiques, ce qui aurait permis au film d’atteindre une dimension autre que celle de la simple reconstitution.

Bande-annonce

5 octobre 2022 – De Cédric Jimenez
avec Jean Dujardin, Sandrine Kiberlain et Jérémie Rénier




%d blogueurs aiment cette page :