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LES TROIS MOUSQUETAIRES : D’ARTAGNAN

Du Louvre au Palais de Buckingham, des bas-fonds de Paris au siège de La Rochelle… dans un Royaume divisé par les guerres de religion et menacé d’invasion par l’Angleterre, une poignée d’hommes et de femmes vont croiser leurs épées et lier leur destin à celui de la France.

Critique du film

Les Trois Mousquetaires, Astérix et Obélix, Le comte de Monte-Cristo (à l’horizon 2024), tous ces chantiers cinématographiques ont pour même objectif de créer de nouveaux grands projets populaires aptes de ramener le plus grand nombre dans les salles de cinémas et vaincre l’apathie installée depuis la pandémie mondiale. Si la reprise se confirme depuis le dernier trimestre 2022, avec un retour à des chiffres d’entrées proche de ceux de 2019, dernière année « pleine » à plus de 200 millions d’entrées (sources CNC), le cinéma français se cherche de nouvelles « locomotives », comme en attestait la très virile couverture du film français où trônait Michel Seydoux, immortel patron du puissant groupe Pathé Gaumont.

Découpé en deux parties, la première étant consacrée au personnage de d’Artagnan, le roman d’Alexandre Dumas est adapté pour la première fois en France depuis la vision décalée de Bertrand Tavernier où il portait son attention à la fille du mousquetaire gascon, soulignant l’évolution de la France de Louis XIII au-delà des aventures de ce groupe d’hommes. Le cinéma hollywoodien s’était emparé de cette histoire, déclinant de nombreuses adaptations plus insipides et burlesques les unes que les autres, avec notamment de triste mémoire les partitions de Chris O’Donnell (1993) ou Doug Lerman (2011) en d’Artagnan. Fort d’un budget de 70 millions de dollars, les ambitions du film de Martin Bourboulon sont nombreuses, et c’est peut être déjà la racine des limites de cette nouvelle occurrence des Mousquetaires.

Les Trois Mousquetaires
Tout d’abord le casting, pléthorique, avec de grands noms susceptibles de porter le projet auprès du grand public : Vincent Cassel, Romain Duris, Pio Marmaï et François Civil pour incarner les rôles masculins principaux, assistés de Louis Garrel en Louis XIII. Du coté des rôles féminins, on retrouve Vicky Krieps (décidément de tous les rôles), mais aussi Lyna Khoudri et Eva Green. Sur le papier, un tel attelage semble des plus intéressants, avec néanmoins un manque d’originalité du coté des rôles masculins, surfant plus sur le supposé attrait du public pour ces visages connus que sur un équilibre dramatique pour le moins bancal. Il est en effet assez difficile de croire dans les personnages des Mousquetaires, tant ils sont phagocytés par leurs acteurs, le trait étant de plus alourdi par une écriture pas toujours fine, comme pour la caractérisation de Porthos, joué par Pio Marmaï, dont la bisexualité est jetée au visage du spectateur sans grande subtilité.

Ce qui est plus étonnant encore est la volonté des scénaristes, Alexandre de la Patellière et Mathieu Delaporte, d’alterner scènes comiques, comme la traditionnelle rencontre des Trois Mousquetaires avec d’Artagnan lors de duels superposés, avec des séquences politiques aussi ardues que la naissance de la Fronde nobiliaire qui se dessine autour du frère du roi, ou encore la sécession entre protestants et catholiques, un demi-siècle après la Saint Barthélémy. S’il est évident que cela reflète une volonté de créer des ruptures de ton, de dynamiser le récit et ainsi, de garder en haleine le spectateur, l’effet créé tient plus de la stupéfaction et d’un processus d’écriture chaotique où les différentes intentions se battent entre elles pour exister au sein d’un même film, entre la comédie historique et le récit d’un pays en proie à une guerre imminente. Si l’intention est louable, elle échoue à réussir ce délicat amalgame.

Autre problème, lui aussi consécutif à une écriture maladroite, il est très compliqué de suivre les fils du complot politique qui démarre tambour battant dès la première scène où une lettre est subtilisée pour tendre un piège à la reine de France. Protestantisme, Fronde, amours adultères royaux et, bien sûr, la naissance d’un héros lors de son arrivée à Paris, les thèmes sont nombreux et fournis. Il est aisé de se perdre au milieu de ces trames multiples et parfois contradictoires (quel rôle tient véritablement Athos dans cette histoire ?), au détriment d’une histoire qui aurait gagné à plus d’épure et de simplicité pour retrouver en efficacité.

Les Trois Mousquetaires
On peut déplorer également le rôle dévolu aux personnages féminins, à l’image d’une Constance Bonacieux (Lyna Khoudri), réduite à passer des messages à la Reine et à représenter la figure de l’amour pour le fougueux d’Artagnan, sans qu’on en sache beaucoup plus sur elle. Si Eva Green s’en sort plutôt habilement, c’est car elle représente dans le film cette femme mystérieuse, définie par ses actes et son aura vénéneuse, partition que l’actrice française maitrise à la perfection. Le constat est similaire pour Vicky Krieps, actrice magnifique qui réussit toujours à briller au sein des directions les plus fades, grâce à un mot ou une attitude, mais cela reste bien peu dans une histoire presque entièrement réservée aux hommes. Quant à savoir si Les Trois Mousquetaires : d’Artagnan sera le grand succès populaire espéré, il est bien difficile de répondre. Il n’est en tout cas pas une réussite artistique convaincante, manquant cruellement d’équilibre dans son écriture, incapable de faire des choix dans son ton et ses thématiques.

Bande-annonce

5 avril 2023 – De Martin Bourboulon, avec François Civil, Vincent Cassel et Eva Green.




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