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LES SÉMINARISTES

En Tchécoslovaquie au début des années 1980, le régime communiste musèle l’église. Deux jeunes séminaristes devront choisir entre la soumission à la police secrète, ou une fidélité à leurs convictions qui pourrait leur coûter la vie. 

Critique du film

Un très beau noir et blanc, des cadres travaillés à l’intérieur d’un format 1.37, un contexte religieux… il est permis de penser que le succès international rencontré par Pawlikowski avec Ida en 2013 facilite aujourd’hui encore certaines productions.

Il n’est pas anodin de constater que le film commence d’abord, alors que le générique défile sur fond noir, par la colonne sonore : une conversation radio de qualité médiocre. En effet, si l’on retiendra le splendide travail de la photographie, signée Juraj Chlpík, l’atmosphère du film, doit beaucoup à sa bande son. Chocs assourdis, sirène, bourdonnements, vacarme, tout un charivari qui symbolise les tempêtes sous les crânes en contraste avec l’épure de l’image.

Une voiture dans la nuit, un corps sorti d’un coffre sous un viaduc, le film s’ouvre sur une séquence digne d’un film d’espionnage. Michal et Juraj entrent au séminaire pour une vie de prière et de communauté. La mise en scène transforme progressivement, en multipliant les motifs de l’enfermement, le lieu en prison mentale. La plupart de temps en caméra fixe, le cinéaste capte la vie collective des religieux grâce à de très courtes séquences. Jouant parfaitement de leur apparence uniforme que leur confère la soutane, Ostrochovský orchestre des circulations qui se transforment en véritables chorégraphies. Les scènes de sport, superbes, expriment le circuit fermé de la vie claustrale. Une ballon comme une boule de flipper dans une cour intérieure, une partie de ping-pong à 10, tournante infernale.

La communauté, placée sous l’oeil suspicieux de la police d’État, peine à agir de manière solidaire, malgré une tentative de grève de la fin. A l’image de leur relation exclusive au ciel, les séminaristes sont contraints à des choix individuels. 

Autant le film réussit à développer, par son esthétique, un climat d’angoisse et d’isolement, autant il peine, dans sa seconde partie, à entretenir une narration vivante. Ne parvenant pas à dépasser sa propre sophistication, il finit pas sombrer dans une forme de complaisance plastique qui éloigne le spectateur. La beauté se dilue dans des stases, le montage semble ne plus pouvoir rythmer un récit à l’agonie. Les acteurs (dont le roumain Vlad Ivanov vu chez Mungiu et Porumboiu) se retrouvent englués dans une fixité impropre à faire vivre des personnages qui ne dépassent pas le stade de l’esquisse.

Séduisant dans un premier temps, Les Séminaristes peine à dépasser l’exercice de style. La faute à un récit troué d’ellipses. Ostrochovský, obsédé par son lustre, abandonne le ton au profit du style là où ses glorieux aînés, Milos Forman ou Jiri Menzel avaient donné, dans la composition des deux, une identité au cinéma (alors) tchécoslovaque. Formaliste jusqu’à l’excès, un film d’une beauté fascinante qui hélas, s’enferme peu à peu dans la contemplation de sa propre esthétique.

Bande-annonce

2 juin 2021De Ivan Ostrochovský, avec Samuel SkyvaSamuel Polakovi




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