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LE MANDAT

Le jour où le facteur apporte à Ibrahima Dieng un mandat de 25 000 francs CFA de la part de son neveu, immigré à Paris, Ibrahima se montre généreux. Dans le quartier la nouvelle se répand et il aide sa famille et ses voisins, mais sans carte d’identité la poste refuse de lui remettre l’argent, ce qui est l’origine d’un long parcours du combattant dans les méandres de l’administration sénégalaise…

Critique du film

Ousmane Sembène, né en 1923 à Ziguinchor, en Casamance, a débuté sa vie professionnelle comme docker, avec une forte conscience politique et un engagement syndical à la CGT. Victime d’un accident du travail et dans l’obligation de changer de profession, il choisit dans un premier temps de devenir écrivain. Mais comme nombre de ses compatriotes sont illettrés et ne peuvent donc découvrir ses écrits et les idées qu’il souhaite faire passer, il décide donc de faire du cinéma en wolof, le français n’étant pas parlé par tous les sénégalais.

Le film qui nous occupe ici, son deuxième, est un des premiers grands films africains. L’émergence de ce cinéma coïncide avec le début de la décolonisation de ce continent. Tiré d’un roman qu’Ousmane Sembène a lui-même écrit, Le Mandat constitue une très belle comédie dramatique,  dans tous les sens du terme, à la fois savoureuse et drôle dans sa description des personnages et des situations et tragique par le constat amer qui en découle.

Le personnage principal, Ibrahima, faible, goinfre et terriblement paresseux ne voit pas qu’on le cherche à le duper. C’est une sorte d’enfant gâté par ses deux femmes, Méty et Aram – il est polygame – partisan du moindre effort et se reposant donc sur ses épouses dont la personnalité détonne dans ce film : courageuses, solidaires, ancrées dans la réalité, elles font preuve d’abnégation pour s’occuper de leur mari. Ibrahima, trop heureux de recevoir ce fameux mandat envoyé par son neveu – dont on apprend qu’il est simple balayeur à Paris – oublie toute prudence, fait des promesses et des dettes, fanfaronne. Il répond à toutes les sollicitations des quémandeurs, sollicitations que sa religion et ses coutumes lui interdisent de rejeter, mais qui pour le spectateur  apparaissent très vite comme émanant de profiteurs, de parasites, voire d’escrocs.

Dans un des suppléments de l’édition que sort ce mois-ci StudioCanal, Alain Sembène, fils du réalisateur disparu en 2007, nous confie qu’au fil des ans son regard a changé sur le film. Il le trouvait très drôle au départ, puis l’a considéré sous un autre angle par la suite. Car Ibrahima, qui est illettré, n’a pas de carte d’identité et ne connaît pas sa date de naissance exacte, est perdu dans les méandres d’une administration gangrénée par la corruption et se sent comme un étranger dans son propre pays. Ibrahima va se heurter aux réalités d’un monde où il faut mentir et tricher pour s’en sortir. Les hommes qu’ils croisent veulent tous leur commission, leur part du mandat. La rapacité, l’appât du gain semblent être une constante chez ses interlocuteurs.

Tourné en Eastmancolor, très coloré et réussi visuellement, Le Mandat, œuvre désabusée et drôle à la fois est disponible depuis le 30 juin dans une version restaurée inédite de toute beauté en combo Blu-Ray / DVD Studio Canal avec des suppléments passionnants. 


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