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INCROYABLE MAIS VRAI

Alain et Marie emménagent dans un pavillon. Une trappe située dans la cave va bouleverser leur existence.

Critique du film

Réalité de Quentin Dupieux se terminait par un très gros plan sur le médecin d’un jeune animateur de télévision qui annonçait que ce dernier se grattait à cause d’un « eczéma de l’intérieur ». Incroyable mais vrai pourrait se résumer en la métonymie de cette phrase, tant son récit est obnubilé par l’« intérieur des choses » sous une enveloppe au demeurant appréciable (le corps rajeuni d’une Léa Drucker proche de la cinquantaine ou le sexe de Benoît Magimel sont les exemples les plus remarquables de cet argument). Dès lors, l’utilisation des symboles et des métaphores donnerait désormais une « raison » au décorum de Dupieux, là où il s’amusait auparavant à désamorcer chaque situation par un twist nonsensique. La fin du film, sous la forme d’un évanouissement loin dans la nature, démontre même cette nouvelle approche : elle s’apparente à une logique implacable, celle où les situations les plus déjantées trouvent une fin bien plus brute et évidente que le postulat ne le laissait croire.

Pourtant, Incroyable mais vrai souffre des symptômes propres aux films à effets de style. Figurant au sein même de la diégèse le concept de la distorsion temporelle (un passage dans le tunnel propulse douze heures en avant mais rajeunit le corps de trois jours), Dupieux explicite cette théorie scène par scène alors que le reste de sa filmographie l’explorait de manière plus discrète. Il faut dire que tous les motifs du cinéaste sont de nouveau de sortie, entre l’étalonnage pâle, un jeu d’acteur minimaliste et stéréotypé, un éclairage diffus qui suspend littéralement le temps, des références picturales ou thématiques à David Hockney – dans le récit, ce qui est devant les yeux des personnages n’est jamais le fondement de la réalité… Pour un résultat qui malheureusement ne transcende jamais les premiers agencements du réalisateur absurde le plus prolifique de France.

Incroyable mais vrai

CHANGEMENT D’ÉPOQUE INTERROMPU

Quentin Dupieux renoue en outre avec les itérations de l’obsession destructrice et du sous-genre horrifique du body horror, à la manière de Réalité et du Daim ; et jongle avec les codes du montage pour en sursignifier ses concepts, à l’instar de Wrong. En apposant de manière littérale et métaphorique toute sa panoplie plastique, un gros sentiment de redite apparait néanmoins, laissant entrapercevoir de pénibles tunnels narratifs qui ennuient plus qu’ils ne stimulent. Comme le concept surréaliste de la trappe dans la cave, Dupieux souhaite jouer sur la problématique du temps quitte à remplir à l’extrême certaines séquences malgré une durée de long-métrage encore très courte.

Il s’évertue également à accélérer toute sa fin et à y mélanger la tragédie familiale à la comédie grasse dans une horizontalité parfaite ; in fine tel Persistance de la Mémoire de Salvador Dali (dont les fourmis cauchemardesques sont aussi visibles dans le film) : s’appesantir sur l’horizon obscur des petits riens du monde qui n’auront aucune finalité, et expédier dans un contrôle absolu le sort tout tracé des personnages. Néanmoins, ce point ne reste qu’en surface des choses, moins traité que dans Réalité ou Wrong, ne restant que sur l’idée de faire quelques blagues beaucoup moins drôles qu’à l’accoutumée et sur certains détails qui prouvent que le réalisateur tourne de plus en plus à vide… Durant la promotion de son prochain film Fumer fait tousser, Quentin Dupieux promit un « changement d’époque en cours » ; gageons donc que cette fameuse transition lui amène enfin le renouvellement espéré.

Bande-annonce

15 juin 2022 – De Quentin Dupieux
avec Alain Chabat, Léa Drucker et Benoît Magimel




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