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HERE BEFORE

Qui est donc cette enfant, qui semble si familière à Laura, et réveille en elle des fantômes du passé? Porté par Andrea Riseborough, un thriller psychologique novateur aux accents hitchcockiens visuellement splendide et inventif. À couper le souffle ! Présenté cette année au Festival de SXSW.

Critique du film

Premier long-métrage en tant que réalisatrice pour la britannique Stacey Gregg, Here before est une fiction qui joue beaucoup avec les perceptions de son spectateur. Ce que développe l’autrice est un vrai projet de mise en scène qui dépasse de loin l’écueil du scénario à tiroir, seulement fondé sur une découverte de la vérité qui aurait été un peu trop facile à trouver. Andrea Riseborough, magnifique dans Louxor, joue une mère de famille nord-irlandaise qui a connu la perte de sa petite fille, décédée dans un accident de voiture il y a plusieurs années. L’arrivée dans la maison mitoyenne de la leur d’une nouvelle famille bouleverse un équilibre déjà précaire.

Tout se met en place pour dresser le portrait d’une femme qui perd peu à peu pied avec la réalité. Elle commence à s’imaginer que sa fille s’est en quelque sorte réincarnée dans celle du couple fraîchement installé. Le montage suit la dégradation de son état mental, avec une insertion subtile d’images, de rêves et de souvenirs mêlés, qui démontre qu’elle commence à croire à cette histoire, soutenue par la fillette qui s’imagine être Josie, la fille du personnage principal. Les moments d’apaisement, comme cette scène au coin du feu, catharsis semble-t-il nécessaire pour tourner une page, où les deux familles échangent des mots réconfortants, dans une entente nouvelle.

Stacey Gregg commence alors à distiller des morceaux d’indices indiquant que cette histoire est peut-être en fait tout autre chose, la raison ayant été repoussée dans le hors-champ, alors que pourtant assez évidente. Si l’on devine à mi-film ce qu’il se trame véritablement, notamment dans une visite à l’école des enfants du père, le principal n’est en effet peut-être pas niché dans ce twist narratif. La réalisatrice a battit un tout autre édifice bien plus intéressant, celui qui consiste à montrer que cette femme est le jouet de son mari, et comment celui-ci joue avec elle pour l’induire en erreur et la pousser dans des chimères dont il connait la nature et les explications.

Here before

Ce qu’on appelle communément un « gaslighting », est un phénomène où une personne, ici un homme, pousse sa compagne à croire qu’elle devient folle afin de la contrôler. Le mensonge caché au cœur de l’intrigue est d’autant plus immonde qu’il renforce et décuple l’horreur de la perte de leur enfant, apportant un jour nouveau à une histoire déjà lestée d’un poids incalculable. Le mécanisme décrit par Stacy Gregg est magnifiquement illustré par sa mise en scène, qui induit le doute à chaque instant, retranscrivant ce qu’il se passe dans l’esprit de celle à qui tous les autres personnages mentent pour maintenir en place le statu-quo, et aussi servir leurs intérêts.

C’est un premier film très habile et bien chorégraphié qu’a réalisé Stacey Gregg, véhiculé par le regard perdu et triste d’une Andrea Riseborough magnifique et touchante à souhait. Bien loin de sa beauté évaporée et diaphane de Luxor, elle assène des dialogues souvent très justes sur le deuil et le traumatisme lié à la perte d’un être cher, notamment sur l’épuisement à toujours parler et rappeler les événements les plus tragiques par le biais de la psychothérapie. Sans être une charge de tous les instants contre la lâcheté des pères et des hommes en général, cette histoire tragique pointe néanmoins les différences d’attitude au sein de la famille, quand certains se débattent avec leur peine, et d’autres camouflent leur honte et leurs secrets bien au delà de l’indécence et l’abject.

De Stacey Gregg
avec Andrea Riseborough, Jonjo O’Neill et Martin McCann


Présenté en compétition au Festival International de La Roche-sur-Yon

LRSY2021





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