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HARAKIRI

Japon, 17e siècle. La guerre est terminée et de nombreux samouraïs tombent dans la pauvreté du jour au lendemain. L’un d’entre eux, Tsugumo, vient se présenter à la demeure du clan Lyi. Il veut se faire harakiri. Le maître des lieux lui apprend qu’un homme est venu faire la même demande peu avant lui. Tsugumo livre alors dans un récit les vrais raisons de sa volonté de se suicider.

CRITIQUE DU FILM

À la 33e place du classement général d’IMDB, avec une très bonne note moyenne de 8,6/10, Harakiri (1962) fait partie des films japonais « à voir absolument avant de mourir ». Son histoire, complexe et racontée par bribes par le personnage principal lors de différents flashbacks, ne prend toute sa saveur que lors des dernières minutes, à l’issue d’un événement qui aura des conséquences dramatiques.

Mais avant de parler plus précisément du film, arrêtons-nous un instant sur son réalisateur : Masaki Kobayashi. Décédé en 1996, auteur de 23 films et récipiendaire de nombreux prix en dehors de son pays, Kobayashi a laissé une œuvre traversée par des personnages idéalistes qui tentent de lutter contre un système jugé corrompu ou archaïque. Réalisateur engagé, il a signé la grande fresque La Condition de l’homme (1959) et des films comme Kwaïdan (1965) ou Rébellion (1967).

Avec Harakiri*, qui a remporté le Prix du jury au Festival de Cannes en 1963, il signe un film qui captive de bout en bout. Le scénario mêle plusieurs temps de récit qui s’entrelacent admirablement. Comme une poupée russe, chaque scène débouche sur une nouvelle strate de l’histoire que Tsugumo, un ronin (samouraï sans maître), raconte aux membres du clan chez qui il compte s’adonner au rituel du seppuku. Ce terme, plus formel qu’harakiri, trouve son origine étymologique dans l’association des mots « couper » et « ventre ». Apparu au Japon au XIIe siècle dans la classe des samouraïs, le seppuku était traditionnellement utilisé en dernier recours lorsqu’un guerrier estimait immoral un ordre de son maître et refusait de l’exécuter. C’était aussi une façon de se repentir d’un péché impardonnable, commis volontairement ou par accident. 

Harakiri film

À l’époque à laquelle se déroule le film, les samouraïs ne servent plus à rien et n’ont plus les moyens de subvenir à leurs besoins. Ils se présentent donc devant de riches demeures et menacent de se faire harakiri si on ne leur donne pas de quoi manger. Face à ce fléau, les seigneurs des clans se méfient et quand un jeune homme se présente pour accomplir le rituel mais se rétracte pour demander du temps, ils refusent. Cet homme est lié à Tsugumo d’une façon que le récit nous dévoile petit à petit. 

Filmé en noir et blanc dans un CinemaScope somptueux, situant l’action la plupart du temps dans des espaces clos, Harakiri dégage une impression de claustrophobie, mais contient aussi d’impressionnants combats au sabre. Grâce à des plans magnifiquement composés, un rythme lent et calculé, et d’excellents acteurs, il captive de bout en bout. Sa violence contenue débouche sur des scènes presque insoutenables (à ne pas mettre sous tous les yeux). Des passages ont été d’ailleurs été coupés dans certains pays.

Toru Takemitsu**, un des plus grands compositeurs de l’histoire du cinéma, livre ici un score bruitiste composé pour des instruments japonais traditionnels. Le côté impitoyable de l’histoire est accentué par cette musique quasiment bruitiste, exempte de mélodie, suffocante.

En rébellion constante contre l’autorité, Kobayashi ne condamne pas ici les pratiques rituelles ou le code de l’honneur en tant que tel mais plutôt l’utilisation qui en est faite par certains. Pour lui, l’esprit du seppuku a été détourné pour servir à des buts punitifs, et d’une façon hypocrite, pour entretenir un système inhumain. Se concluant sur une note amère, Harakiri montre aussi comment l’Histoire peut être réécrite afin de préserver la domination d’une doctrine plus forte que les individus, thème ô combien éternel.


DISPONIBLE SUR MUBI


* Le film a fait l’objet d’un remake en 3D signé Takashi Miike en 2011.
**Si vous n’avez pas entendu parle de Takemitsu, écoutez ses BO pour l’excellent La Femme des dunes (1964) ou pour Ran (1985), vous découvrirez un compositeur passionnant.

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