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FEMALE PLEASURE

La Bobinette flingueuse est un cycle cinématographique ayant pour réflexion le féminisme, sous forme thématique, par le prisme du 7e art. À travers des œuvres réalisées par des femmes ou portant à l’écran des personnages féminins, la Bobinette flingueuse entend flinguer la loi de Moff et ses clichés, exploser le plafond de verre du grand écran et explorer les différentes notions de la féminité. À ce titre, et ne se refusant rien, la Bobinette flingueuse abordera à l’occasion la notion de genre afin de mettre en parallèle le traitement de la féminité et de la masculinité à l’écran. Une invitation queer qui prolonge les aspirations d’empowerment de la Bobinette flingueuse.


The present is female

Sous son patronyme mythologique, fort d’un esprit farouchement féministe, Olympe de Gouges écrivait « la femme naît libre et demeure égale en droits à l’homme » dans sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne. En 1793, deux ans après ce texte considéré comme fondateur du féminisme français, elle sera guillotinée pour ses idées. Il est curieux de constater que les premières traces de la lutte des sexes date de plus de deux siècles, et que malgré le temps, malgré l’évolution de nos sociétés, ce droit inaliénable de la femme n’est toujours pas acquis. Plus que curieux, c’est un goût d’amertume qui émerge quand on sait qu’aujourd’hui encore des femmes sont persécutées et menacées de mort pour poursuivre ce combat à l’égalité.

Afin de rendre justice à la pugnacité des femmes qui luttent toujours au XXIe siècle, pour comprendre quels sont les mécanismes ancestraux permettant de maintenir une domination masculine oppressive sur la moitié de la population mondiale, Barbara Miller est partie aux quatre coins du monde à la rencontre de cinq femmes aux origines différentes mais mues par la même essence de libération. #Female Pleasure est un documentaire indépendant à la parole fondamentale explorant des chemins de vie à la fois touchant et percutant à travers les « cinq grandes religions ou cultures qui leur sont associées » qui diabolisent le corps de la femme.

Autrice de Unorthodoxe and Exodus, Deborah Feldman est mariée de force par sa famille juive ultra-orthodoxe à l’âge de 17 ans dans un quartier de Brooklyn à New York. Elle est confrontée à la violence du « devoir conjugal », on lui explique que les menstruations sont impures et qu’elle devra désormais se soumettre au mikvé, bain rituel de purification. Leyla Hussein est excisée à l’âge de 7 ans en Somalie au nom de l’Islam, une pratique barbare qui ne figure pas dans le Coran, la privant du seul organe uniquement dévoué au plaisir chez la femme. « Ils pratiquent le patriarcat, c’est une religion universelle » et en signe de protestation, elle s’engage dans la prévention contre cette mutilation dangereuse qu’est l’excision. Au Japon, l’artiste Rokudenashiko issue d’une famille shinto bouddhiste a été arrêtée et accusée d’obscénité pour son « art vaginal » qui aspire à dédiaboliser le corps féminin. Elle encourait deux ans de prison pour…de la création plastique représentant une vulve. Victime de viol dans un couvent, Doris Wagner a « eu le courage de dénoncer un problème structurel qui confère à une minorité un pouvoir immense sur d’autres » en rendant public cet acte et les agressions sexuelles au sein de l’Église. En grandissant dans une famille hindoue traditionnelle du nord de l’Inde, Vithika Yadav intègre le fait qu’elle ne doit pas regarder un homme dans les yeux et ne jamais sortir seule. Elle fait face au quotidien aux agressions jusqu’au jour où elle décide de s’affranchir et d’aider les autres à le faire avec la plateforme Love Matters.

Female pleasure
Plonger dans les us et coutumes séculaires toujours présents en 2019 permet d’appréhender la condition de la femme à l’ère soit disant contemporaine. Sous couvert de traditions et au nom d’un idéal spirituel (peu importe la confession le sous texte est imprégné de sexisme), la femme demeure instrumentalisée et enchaînée dans les sociétés occidentales comme orientales. Et ces structures ostracisantes justifient « tout naturellement » les violences qui leur sont faites. Insuffler ainsi de l’espoir en l’avenir avec la maxime « The future is female » est vital, mais nous devons surtout nous réjouir d’être dans un présent habité et défendu par les femmes, comme le prouve le documentaire de Barbara Miller et ses cinq héroïnes. Il est temps de miser sur le présent et d’ouvrir les yeux sur les violences qui perdurent dans un monde que l’on dit civilisé.

Révolutionnons l’humain.e

Au delà des portraits dressés, #Female Pleasure est un préambule, un manifeste pour une sexualité féminine libre avant d’être un guide de jouissance charnelle comme pouvait le suggérait son chant nominal orgasmique. La libération de la femme passera par son corps, une révolution sexuelle est donc nécessaire dans l’intime mais surtout dans le public car le sexe des femmes est une question politique. « #Female Pleasure est un plaidoyer pour le droit à l’autodétermination et une sexualité épanouie pour les femmes » déclare la réalisatrice. Et pour arriver à l’épanouissement, il faut percevoir ce qui l’entrave, l’assimiler intellectuellement et émotionnellement afin le déconstruire pour reconstruire une terre plus saine.

Un travail complexe que Barbara Miller réussit avec brio dans ce documentaire. De jugement il n’est point question, seulement de constats, elle cherche à ouvrir une réflexion sur l’état actuel des droits des femmes avec ludisme. Le film oscille entre moments d’émotions déchirants et une vocation pédagogique qui s’avère d’utilité publique. « Je veux montrer la diabolisation structurelle, universelle et millénaire du corps féminin et de sa sexualité ». Un pays, une culture, une religion ne serait être blâmé en particulier, c’est un problème universel. Cette brillante démonstration documentaire met en lumière que l’unique espace où s’exprime l’égalité c’est au cœur d’un patriarcat sans frontière qui s’infiltre dans n’importe quel interstice sociétale et maltraite systématique le corps de la femme. Car travers les histoires de ces cinq protagonistes, qui pourraient sembler être isolées, c’est en fait celle de toutes les femmes qui s’expriment, qui chacune subissent plus ou moins l’oppression d’un système enraciné depuis trop longtemps.

L’heure est donc au changement : déplacer le prisme vers un plaisir féminin dans la sexualité, dans la maternité, dans la création ; de mettre en branle les vieilles pontes éculées de certaines croyances, de redéfinir une culture pornographique présentement nocive, de travailler à une pensée optimiste grâce à la voie ouverte par des femmes comme Barbara, Leyla, Rokudenashiko, Deborah, Vithika et Doris. Elles mènent un combat positif et appellent de leur voix à une révolution qui porterait le nom du film, #FemalePleasure.

Grace à Barbara Miller, le poids des traditions et des cultures révèle les réels impacts qu’il peut y avoir sur la condition des femmes aujourd’hui et dans tous les pays. Repenser la fabrique de nos sociétés est urgent, tout comme abolir le contrôle oppressif de la sexualité féminine et faire basculer nos inconscients dans un #FemalePleasure pour une harmonie collective jubilatoire.

Pour aller plus loin

Vive la vulve de Gabi Schweiger, un documentaire Arte


Synopsis

Cinq héroïnes, cinq pays, même combat : s’affranchir des préjugés, combattre les violences faites aux femmes, conquérir le droit à disposer de son propre corps. Brisons le silence, soyons invincibles, revendiquons #Female Pleasure !




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