dernière nuit

DERNIÈRE NUIT À MILAN

Franco Amore porte bien son nom. Il dit de lui-même que, durant toute sa vie, il a toujours essayé d’être un honnête homme, un policier qui, en 35 ans d’une honorable carrière, n’a jamais tiré sur personne. Ce sont en effet les mots qu’il écrit pour le discours qu’il tiendra au lendemain de sa dernière nuit de service. Mais cette dernière nuit sera plus longue et plus éprouvante qu’il ne l’imagine et mettra en danger tout ce qui compte à ses yeux : son travail au service de l’Etat, son amour pour sa femme Viviana, son amitié avec son collègue Dino, jusqu’à sa propre vie. Et c’est durant cette même nuit, dans les rues d’un Milan qui ne semble jamais voir le jour, que tout va s’enchaîner à un rythme effréné.

Critique du film

Présenté en film de clôture de la dernière Berlinale, Dernière nuit à Milan est le troisième film d’Andrea di Stefano, et son premier se déroulant dans son pays, l’Italie. Cependant, on retrouve le même intérêt pour le film policier et une intrigue âpre où les personnages doivent jouer un jeu serré pour réussir à traverser l’histoire à peu près sains et saufs. C’est Pierfrancesco Favino, devenu star ces dernières années, après un passé d’acteur plutôt télévisuel, grâce à deux films : Le traitre de Marco Bellocchio (2019), et Nostalgia de Mario Martone (2022). Il joue ici Franco Amore, un policier honnête jeté dans une sombre histoire mafieuse à son insu alors que l’heure de la retraite sonnait. Favino est devenu l’incarnation parfaite de l’homme de cinquante ans qui a un passé, charismatique, au bord de la conclusion d’une étape charnière de sa vie.

L’ultima notte di Amore (magnifique titre original du film) est tout d’abord intéressant de par sa forme. Récit morcelé qui nous est présenté dans le désordre, il prend la forme d’un puzzle où la première lecture est une porte d’entrée immédiate dans le drame, avant de reprendre le récit au commencement. C’est par une fête que commence donc le film, celle donnée en l’honneur de la retraite de Franco par sa femme, une surprise qui réunit famille et amis. C’est par les yeux de Viviana que nous apprenons à connaître les personnages, sans rien des détails qui vont intervenir plus tard. Franco n’apparaît qu’en fin de séquence, habillé d’un survêtement, l’air hagard et désespéré. Si cette écriture est assez classique, surtout dans le genre policier, elle est très efficace, avec une bande son très réussie qui permet à l’ambiance d’être encore plus probante.


Cette introduction terminée, on reprend un rythme plus classique, avec des éléments dramatiques disséminés savamment, de la dernière semaine de travail de Franco, aux liens de sa femme avec la mafia, et des petits boulots effectués par l’agent de police pour arrondir ses fins de mois. Il est désormais question de détailler l’engrenage qui se met en place pour prendre au piège cet homme, qui, en prenant un risque, met en péril toute une vie de probité et de sérieux. Si Favino est de tous les plans, l’exposition du film est très aboutie en ce qu’elle fait exister chaque personnage, des cousins de Viviana aux membres de la famille chinoise mafieuse, ainsi que les collègues policiers qui vont accompagner Franco dans ces derniers instants. Si, comme son nom l’indique, l’amour est un sentiment qui l’entoure, il se révèle aussi être le dindon d’une farce dont il ne sait rien, en tout cas avant que le piège ne se referme sur lui. La précision de cette orchestration, sans emphase ni surenchère ultra violente, rend le film très plaisant et loin de la caricature dans laquelle rentre beaucoup de films du genre.

Mais c’est aussi le film d’une ville. Là où Nostalgia était une radiographie de Naples, ici c’est le cœur noir de Milan, qui palpite seulement la nuit, qu’on ausculte avec appréhension. Le son semble reprendre des pulsations cardiaques, tout à la fois ceux de Favino, pris dans un étau, mais aussi de cette ville qui enferme tous les protagonistes dans une course effrénée. Ici encore le schéma est très classique, et Amore suit les épreuves imposées, de la course poursuite, du règlement de compte et de la confrontation finale où seul le plus malin a une chance de s’en sortir. Dans la grande tradition du film noir, l’histoire ne peut que se finir mal, pas d’issue favorable ni de happy end pour Franco Amore, rien que l’amertume d’avoir laissé s’échapper le meilleur moment de sa vie, celui de la tranquillité méritée. Andrea di Stefano réussit un film très plaisant, avec beaucoup de rythme et une qualité d’écriture notable qui permet à Favino d’être au meilleur de sa forme.

Bande-annonce

7 juin 2023 – D’Andrea Di Stefano, avec Pierfrancesco Favino, Linda Caridi et Antonio Gerardi.




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