Phantom of the Paradise – Copyright Solaris Distribution

PHANTOM OF THE PARADISE

Winslow Leach, jeune compositeur inconnu, tente désespérément de faire connaître l’opéra qu’il a composé. Swan, producteur et patron du label Death Records, est à la recherche de nouveaux talents pour l’inauguration du Paradise, le palais du rock qu’il veut lancer. Il vole la partition de Leach, et le fait enfermer pour trafic de drogue. Brisé, défiguré, ayant perdu sa voix, le malheureux compositeur parvient à s’évader. Il revient hanter le Paradise… 

CRITIQUE DU FILM 

Aujourd’hui, il est difficile de croire que Phantom of the Paradise, monument de la pop culture, n’a pas séduit le public lors de sa sortie en salles en 1974. Il aura fallu plusieurs années pour que l’opéra-rock survolté de Brian De Palma, rythmé par l’inoubliable partition musicale de Paul Williams, connaisse le succès. Avant Carrie au bal du diable (1976), Blow out (1981) ou Scarface (1983), il s’agit de l’un des longs-métrages les plus intimes du cinéaste et probablement de son plus grand chef-d’œuvre.  

Mourir sur scène 

Dépassant son essence de film, Phantom of the Paradise est un pur spectacle. Le récit s’ouvre sur la voix de Rod Serling (créateur et narrateur de la série La Quatrième Dimension, achevée en 1964) qui annonce l’histoire comme le début d’un conte théâtral. Des scènes de concerts aux plans subjectifs, la mise en scène de Brian De Palma est aussi déjantée qu’immersive et nous plonge dans un univers glam rock délicieusement kitsch. Aux costumes des années 1970 se mêlent des éléments futuristes, à commencer par l’appareil utilisé par Swan (Paul Williams) pour recréer la voix perdue de Winslow (William Finley), dans une scène qui cristallise tout le génie du film. 

En plus d’être spectaculaire, c’est un film qui parle de spectacle et plus particulièrement de musique. Brian De Palma y livre la caricature teintée d’horreur d’une industrie musicale qui, en plus de voler le travail des artistes, les exploite et les détruit. Pillé, humilié et défiguré par une presse à vinyle, Winslow, son héros et fantôme, est le premier à subir la barbarie de cette industrie. Le cinéaste s’est d’ailleurs inspiré d’un traumatisme personnel : renvoyé du tournage de son propre film Get to know your Rabbit (1972) par la Warner, Brian De Palma a été dépossédé de son œuvre. Impuissant face à la sortie d’un film remonté et partiellement retourné, qui n’avait plus rien du sien, il a exprimé dans Phantom of the Paradise une forme de vengeance. 

© Solaris Distribution

Les oiseaux et le diable

S’il raconte en partie son histoire, Brian De Palma puise aussi son inspiration dans de multiples symboles et références. La figure de l’oiseau est omniprésente, comme symbole d’une impossible liberté annoncée dès le début du film avec un volatile associé à la mort sur le logo de Death Records, le label du machiavélique producteur Swan. De Winslow, l’artiste à qui l’on a brisé les ailes, devenu le fantôme au costume d’un oiseau de malheur, à Phoenix (Jessica Harper) dont la pureté est corrompue par la soif de célébrité en passant par Swan, cygne narcissique et pervers, l’oiseau incarne des personnalités ambivalentes.  

Le destin tragique de ce fantôme qui hante le Paradise s’inspire également du mythe de Faust, du Fantôme de l’Opéra de Gaston Leroux et de La Belle et la Bête. Aux rêves brisés, à l’amour impossible et à la vengeance de Winslow se superpose l’absurde quête de la jeunesse éternelle de Swan, qui a, décidément, tous les vices. Le vaniteux va même jusqu’à accepter un pacte avec le diable pour ne pas vieillir, en écho à Dorian Gray dans le roman d’Oscar Wilde. L’antagoniste d’une cruauté presque grotesque va entraîner tous les personnages dans cette entreprise diabolique dont il est lui-même le pion. Ce mélange de mythes et de références est brillamment orchestré par Brian De Palma et Paul Williams dans une œuvre où l’image et la musique se subliment mutuellement. 

© Solaris Distribution

Près de cinquante ans à hanter le cinéma 

Le film préféré des Daft Punk, l’œuvre qui a inspiré George Lucas pour le personnage de Dark Vador… En près de cinquante ans, Phantom of the Paradise s’est imposé pour de nombreux cinéastes et cinéphiles comme un trésor de cinéma. Cette histoire d’amour, de mort et de vengeance intransigeante mélange les genres et les références dans une mise en scène qui ne cesse de surprendre. Rock’n’roll, hémoglobine, reflets tragi-comiques : le cinéaste ne fait aucune concession et propose un voyage musical tout en poésie et ironie. Qu’on l’ait découvert à sa sortie ou qu’on l’apprécie aujourd’hui dans un cinéma qui le programme inlassablement depuis des années, le film de Brian De Palma est tout aussi flamboyant. Phantom of the Paradise est une œuvre transgressive et intemporelle qui ne cessera jamais de hanter ses spectateurs.


DÉCOUVREZ CHAQUE DIMANCHE UN CLASSIQUE DU CINÉMA DANS JOUR DE CULTE



%d blogueurs aiment cette page :