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ARIAFERMA

Dans une prison en passe d’être démolie, les derniers officiers et détenus attendent leur transfert. Pendant ce temps suspendu, ils se rapprochent… Un conte humaniste et une magnifique histoire d’amitié, avec Toni Servillo, signé par le réalisateur d’Intervallo.

Critique du film

A la manière d’un Bruno Dumont, le réalisateur napolitain Leonardo di Costanzo a toujours privilégié des acteurs non-professionnels pour jouer dans ses films. Enseignant aux Ateliers Varan à Paris, il est tout d’abord un documentariste réputé et reconnu. Ce cinéma du réel et ses visages anonymes reste très présent dans son nouveau film, Ariaferma, un long-métrage de fiction. Situé dans une prison de la banlieue de Naples, il mélange acteurs confirmés et primés comme Tony Servillo et Silvio Orlando, mais aussi des personnes qui sont extérieurs à cet univers cinématographique.

Ariaferma est un film qui traite de l’intime dans un endroit où l’on a pourtant perdu ce luxe, la prison. Tout y est partagé, la cellule, les repas. On est constamment entouré par l’autre, dans un endroit qui a subi une dégradation inouïe. Cette vieille geôle doit être fermée, les limites de la cruauté ont fini par être franchies, et ces hommes doivent être dirigés vers de nouveaux espaces confinés. Seuls douze, à la surprise des surveillants pénitentiaires qui se croyaient eux-mêmes délivrés de cet endroit, vont devoir différer leur départ. En service réduit, c’est toute une organisation qui se met en place, dans un minimum vital qui ne tarde pas à créer des tensions, voire des risques de révolte.

L’exubérant, l’aristocratique Tony Servillo, qui hantait de toute sa classe la Rome musée de Paolo Sorrentino dans La Grande Bellezza, joue ici un surveillant placide en fin de carrière. Loin de sa verve habituelle, Di Costanzo lui a réservé un rôle tout en finesse, économe en mots, un homme prudent mais profondément humain. Le duo qu’il forme avec Silvio Orlando est en ce sens passionnant. Ils se scrutent, s’observent, et ne se quittent plus. L‘habileté du metteur en scène est de réussir à chaque scène à construire une tension dramatique forte, pour ensuite la désamorcer par le biais de relations humaines presque incongrues. Au sein d’un des pires endroits qui soit, on voit fleurir de l’amitié, de la camaraderie et une entraide presque confondante.

Ariaferma

Que ce soit dans une scène de cuisine où le détenu phare, presque un parrain, qu’est Silvio Orlando, prépare un genovese de ses propres mains, ou bien dans la suivante qui montre un repas où gardes et prisonniers partagent le repas, la mise en scène ne cesse de polir les aspérités et le drame pour le remplacer par des moments de comédie, presque de joie. On redoute à chaque entournure qu’une explosion de violence survienne, alors qu’au contraire Di Costanzo démontre que le bon peut jaillir de chacun, même de détenus ayant commis des fautes graves.

Le duo d’acteurs continue sa mue jusqu’à presque se dévêtir de leurs attraits initiaux. Le temps d’un moment où il faut aller quérir des légumes sauvages dans un jardin abandonné de la prison, la hiérarchie s’évapore pour ne plus laisser paraître que deux hommes, égaux. Du même âge, d’une même ville, le malfrat et l’homme de loi se rappellent qu’ils ont eu des familles, des parents qui se connaissaient. Ce respect nouveau qui s’installe fait jaillir une émotion indicible, pudique et tout juste suggérée, mais bien présente pour qui sait regarder.

Ariaferma est un très beau film tant dans sa mise en scène que dans sa volonté de faire briller ses acteurs, que ce soit les corps célèbres et célébrés déjà cités, ou les anonymes, comme ce jeune homme perdu au milieu d’un aréopage d’habitués des hauts murs des prisons. L’humanité que fait jaillir Leonardo di Costanzo grâce à la mise en place de séquences très réussies est magnifique. Sujet et mise en scène vont de pair pour créer un très beau moment de cinéma, loin des clichés du genre, et de la violence inhérente à des lieux où ne roderaient que le désespoir et la haine.

Bande-annonce

2022De Leonardo Di Costanzo, avec Toni ServilloSilvio Orlando


Présenté en séance spéciale au Festival International de La Roche-sur-Yon

LRSY2021