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TO KILL THE BEAST

A la frontière de l’Argentine et du Brésil, Emilia, 17 ans, recherche ardemment son frère disparu. Son périple la mène dans l’hôtel de sa tante au coeur de la jungle tropicale, hanté par une bête monstrueuse, qui, selon les mythes et croyances locales, serait l’incarnation protéiforme d’un esprit diabolique. Entre réalité et mythe, culpabilité et éveil de sa sexualité, Emilia va devoir affronter son passé.

Critique du film

To kill the beast est le premier long-métrage de la réalisatrice argentine Agustina San Martin. Formée à l’Université de Buenos Aires en section cinéma, elle a par la suite été cheffe opératrice, professeure de scénario et coloriste. Son troisième court-métrage, Monster God, a connu un certain succès en festivals, remportant notamment la Mention spéciale du jury lors du Festival de Cannes en 2019. Agustina San Martin explique puiser dans ses cauchemars les imaginaires qu’elle crée derrière une caméra, en confectionnant des images conçues comme des peintures oniriques particulièrement réussies. En résulte ce film, teinté d’une atmosphère mystique, qui sollicite en permanence les sens.

A la recherche de soi

L’intrigue démarre par un plan d’un téléphone fixe qui sonne inlassablement dans le vide d’une maison occupée uniquement par un berger allemand. Le répondeur se déclenche : c’est encore Emilia qui tente de parler à son frère mais cette fois, elle part le retrouver. Agustina San Martin aime à dire qu’elle perçoit son film comme un exorcisme émotionnel vécu par Emilia. Un exorcisme qui amène d’abord le récit à la faire rencontrer les habitants d’un coin reculé, stoïques : qu’importe qu’elle s’adresse à un membre de l’Église ou à sa tante, personne ne lui donne de réponse quant au destin de son frère. A la place, elle se retrouve face à des silences lourds de sens – on sait peu de choses à propos de son frère, on devine seulement qu’il était violent.

To kill the beast
La narration du film montre ensuite qu’Emilia, pas encore adulte mais plus exactement adolescente non plus, cherche à s’affranchir des carcans dans lesquels on l’avait mise. Cela se traduit par son refus de la posture passive face aux évènements pourtant inculqué à elle et beaucoup d’autres filles dans l’enfance, mais également par ses questionnements sur sa propre sexualité, exacerbés par la rencontre d’une jeune femme. Une double issue apparaît alors : l’affirmation de sa propre sexualité, et l’affrontement avec la bête qui hanterait les forêts avoisinantes. Derrière cette bête on retrouve la symbolique d’un homme maléfique, d’une menace masculine qui pèse en premier lieu sur les femmes. Le film parvient à bien montrer ces questionnements au spectateur, mais ce dernier risque d’être parfois perdu par des dialogues et des scènes au rythme très lent dont on a du mal à saisir le sens. A force d’omettre certains éléments du récit, il semble difficile de tout saisir.

Quête de(s) sens

Là où To kill the beast est particulièrement réussi, c’est dans le soin apporté aux images et au son. La profession de coloriste de la réalisatrice explique le travail et le soin apporté aux teintes du film, qui est indéniable. Tout au long du récit, les images présentent un cadre de vie humide, presque poisseux, une atmosphère lourde avec une végétation hostile dont il est difficile de se défaire et que le spectateur peut ressentir. Emilia est sans cesse sollicitée par les sons qu’elle entend, que ce soit l’étonnante musique électronique d’inspiration grégorienne qui émane des églises du coin, ou des bruits de la faune dans la forêt. Le travail des images permet d’obtenir un cadre étrange, entre rêve et réalité, où les protagonistes et spectateurs s’y perdent – sans trouver de réponse à leurs questions. Dès lors, To kill the beast est un film avec des faiblesses, mais qui n’en demeure pas moins intriguant.

Bande-annonce

13 juillet 2022 – D’ Agustina San Martin, avec Tamara Rocca, Ana Brun et Joao Miguel.