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SONS

Eva, gardienne de prison exemplaire, fait face à un véritable dilemme lorsqu’un jeune homme de son passé est transféré dans l’établissement pénitentiaire où elle travaille. Sans dévoiler son secret, Eva sollicite sa mutation dans l’unité du jeune homme, réputée comme la plus violente de la prison. Les valeurs et le sens moral d’Eva sont mis à rude épreuve…

Critique du film

Après son premier long-métrage sorti en 2018, The Guilty, le réalisateur danois Gustav Möller propose un nouveau film d’une grande âpreté, Sons, avec dans le premier rôle Sidse Babett Knudsen, bien connue du public français. Polyglotte, jouant aussi bien dans une série américaine comme Westworld, un film indépendant britannique, Limbo (2020) ou La fille de Brest d’Emmanuelle Bercot (2015), cette magnifique actrice danoise doit relever le challenge d’incarner une gardienne de prison confrontée dans le cadre de son activité professionnelle à un dilemme. Ce bouleversement de vie, que nous ne dévoilerons pas, tient à l’arrivée dans sa prison de Mikkel, un prisonnier dangereux placé dans une quartier de haute sécurité dirigé par Rami, gardien expérimenté et spécialisé dans ce type de détenus ultra-violent.

Les hommes qui se trouvent dans ce bloc sont tous des meurtriers, instables et potentiellement dangereux pour la vie de ceux qui sont chargés de les surveiller au quotidien. Le cinéaste choisit de superposer plusieurs couches d’histoires, comme des paliers qui permettent d’appréhender au plus près les différences entre ces quartiers de détention. Dans son affection d’origine, Eva connaît ses détenus par leur prénom, il existe une bienveillance qui se manifeste par des cours, des activités récréatives, auxquelles elle participe elle-même, l’aspect curatif de ces moments étant aussi bénéfiques pour les uns que pour les autres. Ces scènes ont également le mérite d’humaniser cette population, révélant failles et souffrances.

Dès le basculement de l’intrigue, avec l’arrivée de Mikkel, Eva se mue en quelqu’un de différent. Elle ment, triche, et noue une relation complexe avec le jeune homme, entre une maltraitance sauvage et un lien toxique qui l’oblige autant qu’il la contraint à suivre les demandes toujours plus ambitieuses de Mikkel. Sebastian Bull joue cet homme à la démarche inhabituelle et au sourire effrayant. Le corps, marqué par des tatouages et des cicatrices, est un uniforme pour Mikkel, témoin d’une vie où l’expression passe par lui, dans une violence latente qui ne le quitte jamais véritablement. Ce dialogue entre leur deux corporalités permet d’aller au-delà des mots, moins importants que l’énergie incroyable qui existent entre eux.

Möller maintient une tension palpable dès l’apparition de Mikkel, qui inspire non pas de la peur, mais un mélange de dégoût et de lassitude à Eva. Son tempérament impulsif et intrépide est une des surprises du film. Le nombre impressionnant de non-dits, compensés par des détails dans le plan permettant de comprendre les enjeux du film, sont des atouts non négligeables pour apprécier Sons. La relation entre Eva et Rami est un autre exemple de cette façon très particulière pour le metteur en scène de construire sa narration. S’il la met en garde brutalement contre les dangers de ce bloc, il ne le fait qu’à une seule reprise. L’avertissement a été donné, il n’y a plus de raison d’y revenir par la suite. Le film est à cette image, les mots sont rares, prononcés seulement quand nécessaires sans répétition ni emphase particulière.

Sons impressionne par sa noirceur et la qualité des interprétations, le duo formé par Sidse Babett Knudsen et Sebastian Bull étant presque de chaque plan. Ils participent à entretenir la noirceur du film, presque intégralement tourné dans les murs d’une prison de Copenhague, créant un sentiment d’étouffement extrêmement prenant. La qualité de la mise en scène se ressent dans cette grande intensité dramatique qui ne relâche pas son étreinte jusqu’au dernier plan, et des derniers mots prononcés, qui restent longtemps imprimés après le générique de fin.


De Gustav Möller, avec Sidse Babett Knudsen et Sebastian Bull Sarning


Berlinale 2024




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