Maternal

MATERNAL

Le quotidien d’un couvent pour mères adolescentes à Buenos Aires se voit bouleversé par l’arrivée d’une jeune sœur d’origine italienne, Paula, qui s’approprie peu à peu le rôle de mère auprès des enfants délaissés, faisant outrage à ses occupantes.

Critique du film

Maura Delpero livre son premier long-métrage au travers de cette fiction née de faits réels où baignent des images personnelles, de sourdes révoltes, et une envie de montrer une histoire de femmes esseulés, tantôt combatives, tantôt résignées par une condition et un mode de vie restrictifs. Une histoire de femmes encerclées par des hommes absents et par celui en tête de l’institution catholique.

Donner la vie relève de l’ordinaire pour ces mères qui n’ont pas le droit, encore aujourd’hui en Argentine, à l’avortement. Initialement axée sur la réalisation de documentaires, Maura Delpero filme ses comédiennes sans bruit, sans trop de mouvements pour une série de plans essentiellement fixes qui retranscrivent les tableaux de tranches de vie de ces sœurs catholiques, cohabitant avec de jeunes mères sans religion, sans espoir, et visiblement sans avenir. Dans une ambiance de huis clos permanent, elle dresse le portrait intimiste de Paula, jeune immigrée d’Italie devenue religieuse, qui se prend d’affection pour une enfant et tente de lui prodiguer l’amour que sa propre mère est incapable de lui donner, à ses risques et périls.

QUI CROIRE ?

La question de la religion dans Maternal est omniprésente et soulève nombre de questionnements qui justifient du désir de la réalisatrice à rendre pertinent son propos teinté d’un minimalisme franc, quoique n’étant pas le moins du monde habité par une vocation moralisatrice. Comment trouver l’équilibre entre l’amour de Dieu et l’amour de Soi ? La part de responsabilité de ces filles mères voit ses limites devenir floues, tandis qu’elles s’en remettent entièrement à l’encadrement d’un foyer où le ressentiment, ni même le souhait d’émancipation n’ont leur place. Il ne s’agit alors que de survie, et de rêves refoulés.

Maternal
A la manière d’Andrea Arnold avec Fish Tank, où l’ambition artistique entre en parfaite contradiction avec le milieu social, ou The Florida Project, de Sean Baker, où la mère isolée et issue d’un milieu pauvre peine à prendre en charge l’éducation de sa fille, Maternal développe inévitablement chez le spectateur ce sentiment d’empathie, cette envie partagée de rébellion, de liberté surtout.

De son titre original Hogar, qui signifie « foyer » en espagnol, le film a cette particularité d’intégrer le spectateur à son déroulement comme s’il se trouvait dans la pièce, témoin de ce microcosme tantôt confortable, tantôt hurlant à l’injustice, entre un mélange de compassion et d’agacement, voire d’étouffement tranquille, une petite mort sans bruit, une sensation d’abandon. Les mères abandonnant leurs enfants aux mains de Dieu, s’abandonnant elles-mêmes, par la même occasion. Un arrière-goût amer de ce que peuvent traverser encore ces filles mères à l’heure actuelle, pour une simple poignée de mots, une loi qui peine à passer tandis que la société la réclame.

Fort heureusement, Maura Delpero choisit de ne pas tomber dans la dénonciation ni la prise de parti, offrant simplement la vision naturaliste de jolis tableaux en clair obscur, entrecoupés de scènes de violence souvent psychologique, de silences, de regards justes et admirablement nourris par le jeu des comédiennes, notamment celui de Lidiya Liberman en sœur Paula, véritable élément perturbateur de cette – trop – apparente tranquillité du foyer.

Bande-annonce


Disponible sur MUBI



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