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LE LABYRINTHE DU SILENCE

Allemagne 1958 : un jeune procureur découvre des pièces essentielles permettant l’ouverture d’un procès contre d’anciens SS ayant servi à Auschwitz. Mais il doit faire face à de nombreuses hostilités dans cette Allemagne d’après-guerre. Déterminé, il fera tout pour que les allemands ne fuient pas leur passé.

Justice rendue

Lorsqu’Elisabeth Bartel, sa co-scénariste, lui parle pour la première fois du procès de Francfort et de l’avocat général Fritz Bauer en charge des poursuites des crimes commis à Auschwitz, Giulio Ricciarelli n’arrive d’abord pas à y croire. Comment pouvait-on ne pas savoir ? Pire, comment pouvait-on ne rien dire ? Il comprend alors qu’une page vitale de l’Histoire allemande est à mettre en lumière, et pour son premier long-métrage, décide de nous emmener sur le chemin sinueux et éprouvant ayant ouvert le procès au cours duquel, pour la première fois, la justice allemande instruisit elle-même les exactions commises par les nazis.

Mêlant fiction au réel, on y suit non seulement l’emblématique Fritz Bauer, initiateur des investigations et lui-même incarcéré en 1933, le journaliste Thomas Gnielka, dont les différents articles déclenchèrent finalement l’action du parquet mais surtout Johann Radmann – personnage fictif inspiré de trois procureurs réels. C’est à travers ses yeux, ceux d’un jeune allemand de l’après-guerre à l’idéal de vérité farouchement chevillé au corps, que l’on découvre progressivement l’ampleur du mutisme obstiné qui entoure la réalité des camps de concentration.

Le silence, poison de la démocratie 

Passant des heures dans les innombrables archives confisquées par les Alliés, traquant jusqu’à l’obsession celui qui selon ses dires, “représente à lui seul Auschwitz” – le “docteur” Josef Mengele, Radmann aura pour mission essentielle de convaincre les survivants du camp à venir témoigner – et dont les mots viendront finalement briser la chape de plomb qui pèse sur un pays qui tente se reconstruire. Pour reprendre les mots de Fritz Bauer, interpellé quant aux conséquences explosives que pourraient avoir ces dépositions pour le peuple allemand, “c’est le silence qui empoisonne notre jeune démocratie” – et qui ne protège personne, sinon les responsables de sa disparition.

Emprunt de ce que les allemands appellent “Vergangenheitsbeweltigung” – littéralement “assumer le passé” – Giulio Ricciarelli met sa réalisation sobre et classique au service d’une dépeinte adroite des arcanes judiciaires, de l’Allemagne des années cinquante, et de ces “justes” qui ont bravé l’opinion publique, incarnés par des acteurs talentueux – Alexander Fehling tout particulièrement.

Si le procès de Francfort n’aura compté que vingt deux prévenus, chiffre à première vue dérisoire lorsque l’on sait que le parti nazi comptait plus de sept millions d’adhérents, l’événement n’en restait pas moins essentiel à raconter. Le Labyrinthe du Silence débouche sur un sentiment de justice rendue, et un hommage à l’importance de la parole libérée.


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