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LA CONDITION DE L’HOMME

Kaji et sa femme partent pour les mines de charbon en Mandchourie du Sud. Ce premier lutte pour améliorer les conditions de travail des ouvriers. Lorsque des prisonniers Chinois descendent des wagons, Kaji dénonce les méthodes extrêmes pratiquées par son pays…

Critique

Adaptation d’un roman fleuve paru en six volumes entre 1956 et 1958, La Condition de l’homme se compose de trois parties, dont chacune se subdivise en deux films pour respecter le découpage de cette œuvre littéraire hors du commun. Le tournage du film commença peu de temps après la publication du troisième tome du livre de Junpei Gomikawa. Sa réalisation épique et monumentale marque par son intelligence et son courage, et la dénonciation de l’inhumanité du système militaire et de tous les totalitarismes s’avère particulièrement audacieuse pour un film japonais de cette époque. 

A la fois film à grand spectacle et odyssée intimiste, cheminement intérieur d’un homme pour qui vivre passe par l’acte de se révolter, la capacité à résister à ses supérieurs et à la tentation de céder à ses mauvais instincts de haine, de racisme et de domination, La condition de l’homme est une œuvre à part, pas seulement à cause de sa durée, mais aussi par son honnêteté à une période où abondaient les films manichéens ou partisans. Masaki Kobayashi faisait preuve avec ce long-métrage d’une lucidité et d’une intégrité remarquables – d’autant plus que le réalisateur avait connu la guerre, l’internement dans un camp de prisonniers et des situations parfois semblables à celles que rencontre son héros. 

Tatsuya Nakadai se montre habité par ce rôle de rebelle, tiraillé entre son idéal noble, généreux et les limites imposées par la dure réalité de la guerre et l’imperfection intrinsèque de l’Homme qui le fait parfois ressembler à celui qu’il combat. Plus d’une fois Kaji se montre intraitable et exigeant au point de s’éloigner de ses valeurs. 

Esprit contestataire

La Condition de l’homme fut produit en grande partie par Kobayashi lui-même, la Shôchiku ne faisant que distribuer le film. Sûrement effrayée par l’ampleur démesurée du projet et surtout par l’esprit contestataire, frondeur de ce long-métrage de plus de 9 heures 30, où l’image du Japon est passablement écornée et où l’armée impériale paraît aussi cruelle avec ses soldats qu’avec ses ennemis.

La condition de l'homme

Superbement filmé en cinémascope et un noir et blanc photographié par Yoshio Miyajima, La Condition de l’homme regorge de scènes marquantes, comme celle des prisonniers affamés qui surgissent des wagons pour se précipiter sur une nourriture qui les tuera sûrement d’indigestion, les passages dans la jungle, les batailles reconstituées de façon très réaliste. Les paysages sont magnifiés par le travail du chef opérateur et d’amples mouvements de caméra. Très réaliste, le film, aussi riche formellement que thématiquement, offre aussi des passages oniriques et d’autres plus lyriques.

Tourné de 1959 à 1961, ce chef d’œuvre du cinéma évoque aussi, par sa richesse thématique, scénaristique et sa description du tumulte psychologique d’un homme, les incontournables de la littérature russe de Dostoïevski, de Tolstoï ou encore les récits de guerre de Curzio Malaparte. Ce qui n’exclut pas une forme d’optimisme qui se traduit par la pugnacité de Kaji à continuer à lutter pour ses idéaux, même quand il constate qu’il est faillible ou que son combat le mènera peut-être à sa perte. 

La magnifique restauration de ce film édité par Carlotta et un livret de 32 pages rédigé par Claire-Akiko Brisset, spécialiste de Kobayashi, finissent de faire de ce coffret un objet précieux qu’on pourra offrir ou s’offrir en cette période de fêtes qui approchent et de reconfinement, propice aux redécouvertes de films-fleuves. 


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