free fire

FREE FIRE

Radical

1978. Dans un hangar poussiéreux en périphérie de la ville de Boston, Justine met en relation des activistes de l’IRA et des gangsters pour une vente d’armes improvisée. La transaction va pourtant rapidement dégénérer…

Boulette Time.

Il suffit d’à peine 10 minutes. Une petite scène d’exposition, et déjà, on sait. On sait que Ben Wheatley, accompagné de sa fidèle et chérie Amy Jump au scénario, vont encore se faire un paquet d’ennemis avec Free Fire. Et si le spectateur le sait, les grands manitous derrière ce sixième film en 8 ans, tout de même, le savent plus que quiconque. Avec cette comédie d’action à la gâchette facile, Wheatley et Jump auraient pu fournir une comédie efficace, simple, dans les règles de l’art avec quelques petites touches bien à eux, bien senties. Mais non. Comme dans Kill List, comme dans A Field in England, comme dans High Rise, ils décident encore de se saborder. De jouer aux plus malins. Pas par rapport au bon goût, ça non, mais par rapport aux attentes du grand public – on aurait même pu dire aux attentes mainstream, si le terme n’était pas déjà old.

Comme un en-avant dans un match de foot

Free Fire prend un malin plaisir à exposer ses personnages, quitte à laisser le fond de l’action un peu en arrière-plan. Une bonne occasion de faire le point. Justine (Brie Larson, qui reprend un rôle originellement voué à Olivia Wilde) joue les intermédiaires de circonstance pour une vente d’armes entre deux profils bien établis. D’un côté, des membres de l’IRA, Frank et Chris (Michael Smiley, habitué des tauliers, et Cillian Murphy) qui savent exactement ce qu’ils veulent. De l’autre, deux vendeurs d’armes : un abruti qui fait semblant, Ord (Armie Hammer), et un abruti qui ne fait pas semblant, Vernon. Un hurluberlu forcément Sud-Africain : puisque Sharlto Copley n’a jamais été foutu de camoufler son accent correctement, autant l’utiliser comme ressort comique. Autour d’eux, une galaxie de petites mains qui symbolisent, chacun à sa manière, une incompétence : Noah Taylor, Jack Reynor, Babou Ceesay et Sam Riley, pour les citer.

Team A, Team B, un arbitre au milieu, une caisse de fusils d’assaut et une autre de billets verts en guise de juges de touche et une suite de couacs pour faire l’engagement : Free Fire a tout l’air de partir sur une confrontation frontale, si ce n’est un attaque-défense en règle. C’est précisément là que Ben Wheatley use de toute sa classe, de toute son intelligence, ou pour d’autres, de ses sempiternels défauts, suivant qu’on aime ou non le bonhomme. Plutôt que de faire une passe plat du pied-sécurité au spectateur, Ben le terrible décide de prendre la balle à la main, d’avancer tout le terrain dans le sens de la largeur et de mettre une patate dans les gradins. Il regarde les spectateurs ébahis avec un sourire satisfait. Il vient encore de se foutre totalement des règles du jeu.

L’art de se tirer une balle dans le pied

Voici comment se traduit l’image footballistique à l’écran. Dans le hangar désaffecté et rempli de poussière, on tire, on canarde, on frappe, on vise et on se cache comme on peut. Rapidement, la topographie du lieu devient chaotique. La partie aurait pu se terminer en quelques secondes, si les aspirants gangsters et les grandes gueules présentes de part et d’autre n’étaient pas de médiocres tireurs. C’est une chose de jouer les Al Capone sur des canettes et des poutres métalliques : c’en est une autre lorsque la poutre court en zigzag, trébuche et riposte aléatoirement. Tout le monde est touché, mais tout le monde s’en prend dans les genoux, les épaules ou les articulations.

Alors que l’arme à feu signifie usuellement au cinéma le fatalisme instantané, le « BANG » soudain, l’éclair de mort, Free Fire décide de faire voler 4 kilos de poudre et des milliers de cartouches pour tuer ses personnages d’une infection sanguine, ou les faire tourner de l’œil jusqu’à épuisement. Ben Wheatley et Amy Jump font agoniser leurs souffre-douleur, non sans un humour qui monte lui aussi lentement en puissance. Ils vont jusqu’à dépouiller la bande-son, en ne conservant qu’une ou deux chansons marquantes. Exit les fusillades sur fond de rock ou de funk : on n’est pas là pour rendre les coups de feu cools, on est là pour entendre les détonations exploser, ricocher, rebondir. À partir de là, ne cherchez pas de grands retournements scénaristiques, ni de grands développements, et encore moins un sursaut d’orgueil : point de ça ici. Point de ça chez Wheatley.

Comme à son habitude, l’Anglais refuse les compromis et les échappatoires faciles. Il s’enfonce dans son idée fixe, quitte à patauger un brin en deuxième moitié de film. En sortant de la salle, certains lui pardonneront encore une fois, et loueront après le souffle de l’immédiateté retombé cette éternelle capacité à assumer ses choix jusqu’au bout, en faisant payer le prix de son entêtement à ses personnages jusqu’à faire du râle des souffrances une douce comptine à la John Denver. Avec des protagonistes dont la psychologie ne dépasse jamais quelques simples mots, une direction morale unique et une proportion maladive à se tirer une balle dans le pied, Free Fire n’est certainement pas le meilleur Ben Wheatley mais il en est la plus belle fidèle définition formelle. On ne peut sincèrement regretter qu’une seule chose : encore une fois, le film ne fera pas se réconcilier amoureux et détracteurs de son auteur.

La fiche

FREE FIRE
Réalisé par Ben Wheatley
Avec Brie Larson, Sharlto Copley, Armie Hammer…
France – Drame 
Sortie : 14 juin 2017
Durée : 90
 min




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