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BILAN | Les meilleurs films du mois de septembre 2023

CHAQUE MOIS, LES MEMBRES DE LA RÉDACTION VOUS PROPOSENT LEUR FILM PRÉFÉRÉ LORS DU BILAN DU MOIS, CELUI QU’IL FALLAIT DÉCOUVRIR À TOUT PRIX EN SALLE OU DANS VOTRE SALON (SORTIES SVOD, E-CINEMA…). DÉCOUVREZ CI-DESSOUS LES CHOIX DE CHAQUE RÉDACTEUR DE LE BLEU DU MIROIR POUR LE MOIS DE SEPTEMBRE 2023.

Le choix de Florent Boutet

Les superlatifs ne sont pas de trop pour rendre compte de la qualité de chacun des films de Radu Jude. N’attendez pas trop la fin du monde, son nouveau film, fonctionne comme une suite thématique avec le précédent, Bad Luck banging or Loony porn, comédie satirique qui ne ressemble qu’à lui. Historienne, cinéphile, cette nouvelle entrée dans sa filmographie choisit de dialoguer avec un film roumain de 1981 pour confronter deux langages, deux époques, et deux Angela. Jude multiplie les formats, les idées, et les tacles à la carotide d’un système capitaliste qu’il n’a de cesse de charger avec ses pamphlets qui sont gorgés de cinéma jusqu’à plus soif. Les films de Jude sont ni plus ni moins ce qu’il se fait de mieux dans la comédie contemporaine, pour ne pas aller au delà et le porter encore plus haut dans les louanges.

Le choix d’Antoine Rousseau

Le Jury du festival de Cannes 2023 ne s’est pas trompé en saluant du prix qui porte son nom le dernier film d’Aki KaurismäkiLes Feuilles Mortes brille par la capacité de son auteur à disséminer poésie et tendresse à un quotidien qui en est totalement dépourvu. À l’opposé d’un naturalisme lénifiant, la mise en scène de Kaurismäki cherche au contraire à réenchanter le réel de ses personnages, rongés par la solitude et la morosité. Ce qui donne lieu à des séquences qui oscillent constamment entre mélancolie dépressive et humour à froid soulignant l’absurdité des situations. Un ton hybride qui sied parfaitement à cette romance maladroite où l’amour demeure le dernier rempart à la futilité de l’existence. Un cinéma précieux et refuge en ces temps troublés.

Le choix de François-Xavier Thuaud

Ce splendide mois de septembre offre l’embarras du choix (La verve douloureuse de Michel Gondry, le petit bijou d’Aki Kaurismäki, le tendre pessimisme de Rabah Ameur-Zaïmeche) mais c’est le cinéaste roumain qui, encore une fois, surprend, déconcerte et enthousiasme. Voilà un film qui possède l’endurance du marathonien et la tonicité du sprinteur, deux qualités a priori antagonistes ici associées grâce à un travail sur la forme audacieux et souvent jubilatoire. Porté par lIlinca Manolache, comédienne ahurissante de présence exténuée, N’attendez pas trop la fin du monde donne à voir l’enfer sur terre, une forme d’irréversible entropie. On en sort rincé et en rage, littéralement bouleversé.

Le choix de Marie Serale

De Saint-Omer d’Alice Diop à Anatomie d’une chute de Justine Triet, il faut dire que le cinéma français nous régale d’excellents films de procès ces dernières années. Avec Le Procès Goldman, Cédric Kahn s’approprie ce genre pour raconter une affaire qui a passionné l’opinion publique française dans les années 1970 et qui résonne avec force aujourd’hui. Fils de héros de la résistance juive communiste en France, militant d’extrême-gauche, écrivain, détenu, bandit : qui était Pierre Goldman ? Sous les traits du génial Arieh Worthalter, Cédric Kahn fait renaître un homme insurgé, provocateur et charismatique. Exacerbant l’aspect théâtral de la cour, le cinéaste y met en scène les combats de la gauche de l’époque, unie derrière Pierre Goldman, tout en questionnant notre propre vision du système judiciaire. Un film captivant.

Le choix d’Emilien Peillon

Ce que filme Kaurismäki dans son nouveau long-métrage, c’est un peu une relation amoureuse naissante entre deux rochers. Les personnages, bien pris dans leurs problèmes, ont la rigidité habituelle du réalisateur : celle qui tend vers l’absurde, vers le gag un peu sec mais vraiment drôle. C’est aussi la rigidité qui, par contraste, met en valeur les petites souplesses, les petites inflexions dans le comportement et les remarques des deux personnages, dont l’attraction mutuelle est évidente – ils se retrouveront presque par la force de la gravité. En arrière-plan, Les Feuilles mortes est également un portrait intéressant d’un milieu pauvre, où ceux qui y évoluent garde la tête haute et leur dignité intacte. La scène de la facture d’électricité est, à ce titre, extraordinaire.

Le choix d’Adrien Roche

les feuilles mortes

Deux êtres en manque d’amour, un alcoolique et une femme vaincue par la vie. En partant de là – c’est-à-dire d’un sujet semblable au reste de sa filmographie – Aki Kaurismäki enchante. Grâce à sa gestion du cadre andersonienne, toujours millimétrée, le cinéaste fait passer chaque message sans nous assommer de paroles. Parce que le réalisateur finlandais l’a compris : dans un film sur la solitude, on veut la ressentir. Pas de personnages qui parlent seuls, donc, mais deux vies moroses et laconiques complètement bousculées lorsque la possibilité d’un amour apparaît enfin. Les petits gestes se multiplient, l’espoir renaît, le karaoké séduit (impossible de ne pas mentionner la séquence avec les deux chanteuses de pop finlandaise, parmi les meilleures de l’année). Les feuilles mortes est une œuvre somme, parmi les plus prenantes de son réalisateur, qui redonne le courage de se battre pour un avenir radieux.




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