hogg_the_eternal_daughter

THE ETERNAL DAUGHTER

Une femme à la moitié de sa vie et sa mère doivent faire face à des secrets enfouis depuis des années en retournant dans ce qui fut une maison de famille, un manoir devenu un hotel. Celui presque désert semble remplit de mystères..

Critique du film

Il aura fallu attendre l’annonce des sorties des deux parties de The Souvenir pour enfin pouvoir découvrir l’oeuvre de la réalisatrice britannique Joanna Hogg. À 62 ans, c’est donc une mise en lumière tardive pour une autrice qui avait tourné son premier court-métrage en 1986, où l’on retrouvait déjà Tilda Swinton. La grande actrice anglaise semble désormais indissociable de sa compatriote, jouant deux rôles à elle seule dans The Eternal Daughter, présenté en compétition officielle à la 79ème Mostra de Venise cette année. Si The Souvenir avait posé les bases d’un regard singulier qui interrogeait beaucoup les formes du cinéma par l’intermédiaire du personnage d’Honor Swinton Byrne, Hogg pousse son curseur théorique encore plus loin avec cette nouvelle histoire.

Une femme, réalisatrice, arrive de nuit dans un hôtel gallois au milieu de nulle part, entouré d’une brume épaisse qui accentue l’aura mystérieuse qui l’entoure comme un manteau duveteux. C’est une occasion spéciale qui amène les deux femmes à séjourner dans cet endroit reculé, il fut en effet un manoir de famille pour la mère, rempli de souvenirs d’enfances heureux, mais aussi de moments plus difficiles, de ceux qui jonchent la mémoire à la fin de sa vie et à l’heure des bilans. L’endroit est déserté, nulle âme ne semble habiter ce lieu, toutes les clefs des chambres reposent derrière le bureau de la taciturne employée qui les accueillent.

Au delà du rappel des moments passés où la fille questionne sa mère et son rapport à chaque pièce, on assiste à des moments d’errance et de solitude où l’artiste écrit et travaille sur un film qu’elle veut consacrer à cette femme qui semble être la voute sur laquelle repose toute sa vie. Elle apporte un soin et une dévotion presque religieuse à cette mère qui ne fait étrangement partie du cadre que lors de quelques scènes, diners, petit déjeuner au lit, et quelques rares incursions à l’extérieur de l’hôtel. Le film flotte dans sa presque intégralité dans une abstraction douce et aussi parfois douloureuse, surtout quand se révèle la nature de ce voyage et que le mystère entourant la mère se dissipe. Les deux seuls autres interlocuteurs de la réalisatrice sont cette réceptionniste et un homme à tout faire avec qui elle a de brèves discussions.

The eternal daughter
Le récit et son aspect radicalement contemplatif, souligné par une lumière ténue où règnent majoritairement les ombres et l’obscurité, peuvent désarçonner tellement le film se livre peu et laisse place à une atmosphère plus qu’à une narration traditionnelle. L’émotion est toute contenue dans les non-dits et dans l’énergie régnant dans ces nombreuses pièces ressemblant à un tombeau figé dans le temps déserté par la vie. Joanna Hogg réussit avec une épure et une économie de moyens drastiques à confectionner un très bel écrin sur le deuil où la pudeur, dans une tonalité éminemment britannique, domine sur tout autre sentiment. La mise en abime opérée par Tilda Swinton, qui passe du drame à l’examen de conscience et à une forme de psychanalyse, est d’une grande beauté à observer.

The Eternal daughter parle avec délicatesse de toutes ces personnes qui ont fait le choix de ne pas avoir d’enfants, ce qui provoque le renforcement du lien existant avec la génération précédente. La scène où la mère exprime toute son admiration pour l’amour et l’attention que lui porte sa fille, soulignant sa fragilité et la dureté du moment qu’elle traverse, est bouleversante. À l’instar de Kelly Reichardt, et notamment de son nouveau film Showing up, Joanna Hogg s’attache à créer des fictions où la narration est moins importante que les questionnements qui s’opèrent dans les espaces qui séparent les personnages, perdus dans de petits détails dans les marges du plan. Un cinéma de l’introspection et de la sensibilité aussi beau qu’intellectuel qui affirme plus haut encore la place de cette passionnante cinéaste.

Bande-annonce

22 mars 2023 – De Joanna Hogg, avec Tilda SwintonJoseph MydellCarly-Sophia Davies.


Présenté en compétition à la 79ème Mostra de Venise.




%d blogueurs aiment cette page :