o corno

O CORNO, UNE HISTOIRE DE FEMMES

1971, Espagne franquiste. Dans la campagne galicienne, María assiste les femmes qui accouchent et plus occasionnellement celles qui ne veulent pas avoir d’enfant. Après avoir tenté d’aider une jeune femme, elle est contrainte de fuir le pays en laissant tout derrière elle. Au cours de son périlleux voyage au Portugal, María rencontre la solidarité féminine et se rend compte qu’elle n’est pas seule et qu’elle pourrait enfin retrouver sa liberté…

Critique du film

Grand gagnant du Coquillage d’or au festival de San Sebastian en septembre 2023, O Corno de Jaoine Camborda, consacre une fois de plus deux aspects importants de la création cinématographiques. Tout d’abord, il marque la première victoire d’une femme dans cette compétition prestigieuse, dans la lignée des prix reçus à Venise par Laura Poitras et à Cannes par Justine Triet cette même année. Ces réalisatrices émergentes, il s’agit ici d’un second long-métrage, inscrivent toutes leurs noms dans des palmarès qui n’ont très longtemps été que des scènes exclusivement masculines – il faut penser que Justine Triet n’est que la troisième femme réalisatrice à recevoir le prix cannois. Au-delà de cet aspect international, il est notable que l’Espagne, dans la diversité de ses composantes régionales, produise autant d’œuvres passionnantes, que ce soit avec Carla Simon (Nos Soleils), Estibaliz Urresola Solaguren, ou Jaoine Camborda.

C’est au crépuscule du régime franquiste que s’inscrit l’histoire d’ O Corno, dont le sous-titre français, « Une histoire de femmes », souligne que le sujet s’inscrit encore plus fermement dans une problématique, la maternité, qui a lourdement pesé sur la vie de générations de femmes empêchées dans le contrôle de leur propre corps. La première scène du film donne le ton d’une démonstration absolument époustouflante, la réalisatrice montre un accouchement, long, douloureux, le regard fixé sur une femme en souffrance. Le souffle, la tension extrême du corps, c’est tout le film qui se tend en même temps que cette future mère qui doit délivrer son enfant pour se délivrer elle-même de cette douleur. Avec cette introduction, c’est tout un programme qui est déjà à l’écran, celui de la difficulté de gérer cet événement dans un pays où l’on subit la natalité plutôt qu’on la choisit.


Le film tourne autour d’une très belle idée, celle de la solidarité entre femmes, et plus largement d’une sororité qui repousse les frontières, tout en refusant le jugement. L’autrice refuse de montrer l’autorité du père ou de la police, elle ne regarde que ces femmes en lutte, que ce soit dans la première partie où la mort vient cueillir celle qu’il faut aider, ou la seconde où le voyage, une fuite, aboutit dans la surprise, presque dans l’irrationnel. Le passage de l’Espagne franquiste à un Portugal proche, mais qui est une véritable frontière à atteindre, est presque vécu dans un réalisme magique qui répare les corps abîmés pour révéler d’autres possibles.

Si ces moments de flottements peuvent dérouter, voire perdre le spectateur en cours de route, ils exhalent également d’un charme indéniable, ainsi que d’une tendresse qui se matérialise autour du personnage d’Anabela, inoubliable Siobhan Fernandes, qui forme un duo sublime avec Janet Novas, qui est de tous les plans, rythmant le film qui épouse ses contours. Son personnage de Maria se nourrit de la force et de la générosité d’Anabela, avec là encore une solidarité touchante et grandiose qui font du film une déclaration d’amour à toutes ces femmes qui se sont battues contre des lois scélérates, mais aussi contre des situations de pauvretés qui les touchaient en premier lieu.

Bande-annonce

27 mars 2024De Jaoine Camborda, avec Janet Novas, Julia Gomez et Nuria Lestegas.




%d blogueurs aiment cette page :