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MOTEL DESTINO

Ceará, côte nord-est du Brésil. 30 degrés toute l’année. Chaque nuit, au Motel Destino, se jouent à l’ombre des regards de dangereux jeux de désir, de pouvoir et de violence. Un soir, l’arrivée du jeune Heraldo vient troubler les règles du motel.

Critique du film

Un an seulement après avoir présenté Le jeu de la reine en compétition officielle à Cannes, Karim Aïnouz concourt de nouveau pour la Palme d’Or 2024 avec Motel Destino. Inutile de craindre pour autant une forme de redondance de la part du réalisateur brésilien qui troque le film en costume anglophone et son casting hollywoodien pour un thriller érotique contemporain et stylisé dans son pays natal.

Pour ce projet, le réalisateur s’est entouré de collaborateurs familiers de son travail, à commencer par la directrice de la photo Hélène Louvart (déjà à l’œuvre sur La Vie invisible d’Eurídice Gusmão). Le scénario a quant à lui été confié à Wislan Esmeraldo et Mauricio Zacharias, deux étudiants de l’école de cinéma de Fortaleza, où Aïnouz officie en tant que mentor. Et c’est sans doute là que réside le principal problème du film, dont les fragilités d’écritures inhérentes à celles d’un premier script sautent aux yeux. 

L’histoire est abordée par le prisme de la violence criminelle qui sévit au Brésil, sur la côte nord-est brésilienne. Suite à la mort de son frère dans un règlement de comptes, Heraldo doit se mettre à l’abri pour échapper aux représailles de son ancienne employeuse, « la Bambina », marraine de la mafia locale. Il trouve refuge au Motel Destino, un « love hotel » bon marché, perdu au milieu de nulle part et tenu par un couple fracassé. Sans argent, Heraldo propose aux tenanciers ses services en tant qu’homme à tout à faire. Au fil des journées rythmées par l’entretien de l’établissement se noue alors une relation trouble et dangereuse entre les trois personnages.

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Sur une trame on ne peut plus balisée, le film rejoue les motifs éculés de l’éternelle romance impossible entre un voyou en fuite et l’épouse de celui qui l’emploie, une femme au tempérament de feu mais prisonnière d’une relation abusive et toxique. Pauvrement caractérisés, les personnages n’existent jamais vraiment dans cette histoire qui enchaînent les événements comme on cocherait les cases d’un ‘’bingo’’ pour ce type de production. Les acteurs ont beau s’emparer de leur rôle respectif avec une certaine physicalité, ils ne parviennent pas à donner plus de chair à des figures archétypales et donc in fine insipides. Le comble pour un récit qui fait de la pulsion charnelle le cœur de son sujet.

Par sa mise en scène, Karim Aïnouz tente alors d’insuffler toute la charge érotique qui fait cruellement défaut au scénario. Sa caméra s’attarde longuement sur la transpiration des corps et la moiteur de l’environnement. Il fait également le choix d’éclairages bi-chromes totalement irréels pour caractériser le motel du titre. Cet endroit hors du temps et de l’espace, uniquement traversé par les râles omniprésents des clients qui sont venus y prendre du plaisir, est présenté d’entrée de jeu comme l’élément catalyseur qui fera succomber les personnages à leurs désirs et leur perte. Par moment, cela apporte une touche d’onirisme surprenante et bienvenue. La plupart du temps, les effets apparaissent trop gratuits et répétitifs pour ne pas être perçus autrement que comme des affèteries bien superficielles. 

L’ennui pointe souvent devant Motel Destino, qui rate en tous points son projet d’odyssée fiévreuse sous tension sexuelle et mortelle. Des partis pris stylistiques intéressants ne parviennent malheureusement pas à masquer un scénario d’une rare inconsistance qui finit par se vautrer dans une conclusion maladroite et sentencieuse au possible. Un faux-pas dans la filmographie de Karim Aïnouz que l’on espère vite balayé par le prochain projet du cinéaste, d’ores et déjà en production.


De Karim Aïnouz, avec Fábio AssunçãoNataly RochaIago Xavier


Cannes 2024 – Compétition




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