film du mois_MAI22

BILAN | Nos coups de coeur du mois de mai 2022

Chaque mois, les membres de la rédaction vous proposent leur film préféré lors du bilan du mois, celui qu’il fallait découvrir à tout prix en salle ou dans votre salon (sorties SVOD, e-cinema…). Découvrez ci-dessous les choix de chaque rédacteur de Le Bleu du Miroir pour le mois de mai 2022.

Le choix de Thomas Périllon

L’ÉCOLE DU BOUT DU MONDE de Pawo Choyning Dorji

Empreint de spiritualité et de belles valeurs comme le respect de la nature, L’école du bout du monde raconte en creux les conflits sociétaux du Bhoutan à travers son récit universel débordant d’humanité, qui ne manque pas de questionner chacun.e autour de notre place dans le monde et des chemins pour parvenir au bonheur. Sublimé par ses prises de vues sur les vastes sommets sauvages et enneigés, ce parcours d’un enseignant contraint de mettre (temporairement) en sourdine ses aspirations de chanteur résonne en reflet de notre époque individualiste.

Le choix de Florent Boutet

LIMBO de Ben Sharrock

Passé par Cannes 2020, Limbo raconte l’histoire d’Omar, un musicien talentueux et reconnu venant de Syrie, en attente de régularisation administrative pour entrer sur le territoire britannique. Ce portrait mélancolique dans un purgatoire austère au milieu de nulle part, est un mélange d’humour froid et de moments déchirants, rappels du conflit et des luttes qui traversent l’histoire récente de la Syrie. Ben Sharrock bouleverse par la qualité de son écriture, notamment avec ses personnages aux rêves brisés, rassemblés aux portes de l’Occident.

Le choix de F-X Thuaud

IL BUCO de Michelangelo Frammartino

Calabre, 1961, une équipe de spéléologues explore l’Abisso del Bifurto. Frammartino déploie tout un cinema de l’extrême acuité pour conter une double aventure intérieure, celle des scientifiques dont le chemin attend patiemment sa conclusion et celle d’un berger dont la vie de contemplation semble rassasiée. Une veine qui tressaille, un ballon moqueur aspiré par les entrailles de la terre, un Kennedy de papier illuminé par une torche, autant de détails pour célébrer, d’un même geste, la vie et son envers, l’apprivoisement de la défaite, l’apprentissage de la finitude. On ressort de ce film étrangement apaisé.

Le choix de Jean-Christophe Manuceau

LES CRIMES DU FUTUR de David Cronenberg

Reprenant le titre d’un de ses premiers films (en l’occurrence un moyen métrage de 1970), David Cronenberg renoue avec la veine « body horror », huit ans après Maps to the Stars. Situé dans un futur indéterminé dans lequel la race humaine subit des mutations physiques, Les Crimes du futur voit un « artiste », aidé par son assistante, mettre en scène l’ablation de ses tumeurs, préalablement tatouées, dans le cadre de happenings. Déstabilisant, parfois malaisant, toujours intriguant, ce nouvel opus inespéré du maestro canadien ne devrait pas attirer les foules en salles, mais les aficionados seront comblés tant il revisite ici les grands thèmes de toute son œuvre.  

Le choix de Pierre Nicolas

Il buco

IL BUCO de Michelangelo Frammartino

Ce que cherche à raconter Il Buco tient moins dans ses rebondissements que dans l’émotion et sa proposition philosophique. Profondeur, surface, étroitesse, immensité, vie, mort. Tous ces éléments sont filmés avec le même regard mystique et topographique, propre au cinéma de Frammartino. Une vision cyclique du monde, où le mouvement qui régit le passage du temps et sa répétition – comme l’étaient les saisons et les quatres « temps » de Le quattro volte – régit bien plus le monde que toute autre force.

Le choix d’Eleonore Oldwood

NITRAM de Justin Kurzel

C’est dans une absence totale de pathos que Justin Kurzel aborde donc l’histoire du dénommé Nitram pour avoir joué avec le feu enfant, vivant modestement chez ses parents tandis que l’enfance a quitté son visage depuis longtemps. Le comédien texan Caleb Landry Jones, vainqueur du prix d’interprétation masculine au dernier festival de Cannes, enfile avec pudeur le costume d’un jeune homme qui carbure aux antidépresseurs pour dissimuler un traumatisme latent, suivant l’initiative de sa mère (Judy Davis) n’osant pas voir la réalité de la détresse de son fils. Quand la question principale du film reste : pourquoi ; la véritable interrogation autour de cet intérêt pour le criminel sanguinaire, pour la folie humaine, pour tous les Charles Manson et les Eric Harris et Dylan Klebold, c’est d’essayer de comprendre : qui est à l’origine de la tragédie ? Qui est réellement cette personne, et quel est son parcours ?

Si Nitram est une critique acerbe évidente de l’autorisation du port d’armes en Australie, il aborde aussi avec sensibilité ce qui advient lorsqu’une détresse psychologique n’est pas prise en charge. Les criminels sont bien souvent les laissés pour compte, ils sont ceux qui ne voient pas d’aide possible, ceux que l’on a abandonnés, les misérables, ainsi que l’écrivait Victor Hugo dans son roman : “la vie, le malheur, l’isolement, l’abandon, la pauvreté sont des champs de bataille qui ont leur héros, héros obscur”. Nitram est dérangeant parce qu’il ne pointe pas du doigt le coupable, qui nous a ému, et nous a fait rire. Il pointe du doigt un système, et ses dommages collatéraux.

Le choix de Victor Van De Kadsye

LES CRIMES DU FUTUR de David Cronenberg

Huit années après avoir attaqué le monde d’Hollywood dans Maps to the stars, David Cronenberg revient avec une nouvelle fable sur la création. Transformant le body-horror en une réflexion passionnante sur le body-art, le mythique cinéaste canadien n’a rien perdu de son impact visuel. Peut-être que le film s’avère « mineur », pas aussi fort que le sont Cosmospolis ou Videodrome, il n’empêche qu’il est toujours galvanisant de voir un cinéaste aller jusqu’au bout de sa démarche ; embarquant le spectateur dans un univers nébuleux où se mêlent étrangeté et drôlerie (excellente prestation de Kristen Stewart).

Le choix de Malo Morcel

Les passagers de la nuit

Mikhaël Hers est de retour, quatre ans après le très beau et subtil Amanda, pour un nouveau tour de piste. Les Passagers de la nuit s’ancre dans les années 80 et c’est avec une précision dans les détails de sa mise en scène que l’atmosphère de cette époque suinte de ses cadres. Il y exécute un hommage ainsi qu’un parallèle doux et tendre à une branche précise de la cinématographie française avec le très beau Rohmer, Les nuits de la pleine lune, et à son actrice principale, Pascale Ogier, qui s’immergent et se mélangent parfaitement avec ses passagers de la nuit brisés. Les voix se mêlent, les parcours s’entrelacent avec justesse dans un unique objectif : apprendre à vivre les uns avec les autres dans une entraide collective.




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