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ANNECY 2023 | Bilan de la 47ème édition du Festival international du film d’animation

La quarante-septième édition du festival international du film d’Annecy s’est achevée après sept jours de célébration – contre six les précédentes années – marqués par une sélection riche et une affluence record : presque 16 000 accrédités se sont croisés pendant cette semaine de juin, contre un peu de plus de 13 000 l’année passée. Autant le niveau global des productions présentées que la présence du public confirment la vivacité du cinéma d’animation, qui semble entrer dans une nouvelle ère au niveau de la cinéphilie mondiale.

Le jury de la compétition longs-métrages ne s’est pas trompé en décernant le cristal à la comédie de Chiara Malta et Sébastien Laudenbach, Linda veut du poulet ! (on note l’importance du point d’exclamation). La projection de ce film dans la grande salle Bonlieu était indéniablement l’un des moments les plus forts du festival : 945 spectateurs, de cultures et d’horizons différents, riaient ensemble de l’absurdité de la promesse d’une mère à sa fille de lui cuisiner un poulet aux poivrons un jour de grève générale. Les pérégrinations délicieusement absurdes des personnages n’étaient pas sans rappeler le roman Au revoir là-haut dans leur façon de toujours tourner au plus mal. Pour une fois on peut vraiment le dire : il s’agit d’un film familial, car le récit se met autant à la hauteur des enfants que des parents dans les bêtises et les accidents du quotidien.

Le prix du public à quant à lui été attribué très justement à Sirocco et le Royaume des courants d’airs, véritable coqueluche du festival. Depuis sa projection en ouverture de cette édition, le long-métrage de Benoît Chieux a connu un bouche-à-oreille impressionnant et les spectateurs curieux se sont rués sur toutes les projections suivantes, créant de très longues files d’attentes chaque jour. On comprend aisément pourquoi : le film porte un héritage évident des productions Ghibli, autant dans son approche graphique (ligne claire, environnements colorés, visages ronds), que dans l’invitation générale à l’aventure et à la rêverie. La bande-son, qui est un personnage du film à part entière, est également d’une grande beauté et accompagne autant les grands voyages dans les airs que les moments plus méditatifs. Le prix de la meilleure musique originale est pourtant revenu à La Sirène de la réalisatrice Sepideh Farsi, que l’équipe du Bleu du Miroir avait déjà eu l’occasion de voir lors de sa projection à la Berlinale 2023.

SIROCCO ET LE ROYAUME DES COURANTS D'AIRS

Dans la sélection Contrechamp, où était notamment en compétition une version encore non terminée de Duel à Monte Carlo del Norte, dernier long-métrage de Bill Plympton, le film espagnol Robot Dreams a remporté le Grand Prix. Centré sur l’amitié entre un chien et un robot puis leur séparation douloureuse, cette production animée, la première pour son réalisateur Pablo Berger, trouve une continuité avec son précédent film Blancanieves qui était également dépourvu de tout dialogue. Du côté des courts-métrages, Our Uniform, récompensé par le prix Jean-Luc Xiberras de la première œuvre, avait fait un passage remarqué en compétition officielle : commentaire sur le port de l’hijab imposé dans les écoles iraniennes, le film a la belle idée d’animer le tissu pour dérouler son propos. Puisque ce vêtement est ancré dans le quotidien des jeunes femmes, la réalisatrice le choisit comme matériau premier pour figurer les bâtiments, les routes et tous les espaces publics, donnant lieu à des associations très poétiques.

On regrettera tout de même l’absence dans le palmarès longs-métrages de Art College 1994 et de Mars Express, deux œuvres différentes qui nous avaient fait forte impression. Mais le festival s’est toutefois rattrapé à travers ses généreuses rétrospectives thématiques et séances de patrimoine. La sélection de courts-métrages mexicains, pays à l’honneur cette année, à permis de mettre au premier plan le travail de jeunes artistes qui témoignent et militent contre certains faits sociaux et politiques très graves dans leur pays, comme la violence engendrée par les trafics de drogue, les disparitions ou assassinats de civils et journalistes, ainsi que le phénomène global des féminicides. Davantage dédiés au travail de réalisateurs précis, les séances Annecy Classics ont remis à l’honneur le travail de R. O. Blechman avec L’Histoire du soldat, celui de René Laloux (Les Maîtres du Temps) mais surtout celui de Barry J.C. Purves, animateur et réalisateur de films en stop motion flamboyants mêlant identités queer, arts de la scène et classiques de l’opéra. Le travail de ce réalisateur britannique a mis un point final très solennel à notre séjour à Annecy.

ROBOT DREAMS

L’édition 2023 était ainsi une expérience très forte, que l’on espère sera renouvelée l’année prochaine avec cette fois-ci une programmation dédiée à l’animation portugaise. La croissance du public du festival d’année en année, particulièrement visible pour cette édition, nous fait extrêmement plaisir dans ce qu’elle révèle de la reconnaissance et de la réception du médium. On espère que les meilleurs films projetés cette année seront un succès lors de leur sortie cinéma, mais plus encore on souhaite que les films à venir génèrent à leur tour des émotions de salles comme on a pu en voir cette semaine. Nous avons mentionné plus tôt la séance de Linda veut du poulet, mais l’autre temps fort du festival était la projection hors compétition du film The First Slam Dunk, vécu par les spectateurs comme un véritable match de basket où tout le monde applaudissait les plus belles actions et était cramponné à son siège lors des dernières secondes. Nous n’en demandons pas plus, et nous savons que c’est déjà beaucoup.


Annecy 2023 




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