QUI VEUT TUER JESSIE ?
Henri Beránek est un chercheur un peu lunatique, alors que sa femme, Rose, s’apprête, elle, à présenter une invention révolutionnaire, transformant les cauchemars en doux rêves. Mais un effet secondaire étrange apparaît bientôt : le cauchemar disparaît… Pour se retrouver « pour de vrai » dans la réalité physique. Henri s’endort ce soir-là en lisant une BD de science-fiction dont l’héroïne est une plantureuse jeune femme…
Critique du film
Réalisé par Vaclav Vorlicek après plusieurs films pour enfants, Qui veut tuer Jessie ? est né en 1966 du désir du réalisateur d’exprimer à travers une œuvre cinématographique son amour pour la bande dessinée, et constitue sa première collaboration avec l’écrivain et scénariste Milos Macourek.
Tourné en noir et blanc pour des raisons purement techniques – on avait constaté que les effets spéciaux passeraient moins bien en couleurs – et en format large 2.35 qui fait la part belle au mouvement et au tempo trépidant de ce film très rythmé, Qui veut tuer Jessie ? s’avère être un film à la fois très ludique et original, mais aussi une belle satire politique où le rêve et l’imaginaire de l’individu peuvent faire peur aux dirigeants de pays totalitaires. En effet, à peine l’invention de Rose est-elle présentée à un collectif de scientifiques, que déjà on imagine comment on pourrait utiliser cette nouvelle technique à des fins politiques, en influençant les pensées et rêves des citoyens.
Lors de la scène du procès, on voit notamment un magistrat clamer que l’homme est responsable de ses pensées et de ses rêves. Les dirigeants et les responsables scientifiques semblent tous vouloir museler l’esprit des masses. Mais le rêve pourrait bien être plus fort que la réalité à l’image de ce superman, issu lui aussi d’un comic book, et qui ressort intact d’un crématorium où l’on espérait se débarrasser de lui. « Quel homme ! » s’extasie alors Rose, l’auteure de l’invention, jalouse de la relation de son mari avec la blonde héroïne, mais pas en reste quand il s‘agit de fantasmer sur le super héros aux biceps impressionnants, quitte à l’entraîner dans son lit.
Car, en plus d’être une virulente et drôle critique du pouvoir et de la corruption ambiante, égratignée à plusieurs reprises, Qui veut tuer Jessie ? offre une vision du couple et des rapports hommes-femmes assez cinglante et peu amène : avec une femme aussi autoritaire et accaparée par ses recherches que Rose, Henri n’a peut-être pas d’autre plaisir que celui que les rêves lui apportent. Drôle et enlevé, le film sans aucun temps mort n’a pas pris une ride.
