Des Teufels Bad

THE DEVIL’S BATH

Autriche, XVIIIe siècle. Une femme est condamnée à mort après avoir tué un bébé.

Critique du film

Si l’on rencontrait par inadvertance The devil’s bath de Severin Fiala et Veronika Franz, ses premières images inquiétantes, dans une forêt autrichienne du XVIIIème siècle, un indice au moment du générique pourrait aider le spectateur à se situer par rapport à ce film qui commence. Celui-ci est en effet produit par la société d’Ulrich Seidl, cinéaste autrichien radical, dont les fictions et les documentaires sont comme autant de souvenirs dérangeants où la provocation est reine. Que la première scène représente un infanticide filmé de manière très explicite n’est donc pas une surprise. Tout ce qui va suivre va être à l’avenant de cet incipit, dans une violence et une image crue qui peut particulièrement choquer.

Il serait aisé de rejeter en bloc ce film, présenté comme un film historique aux accents horrifiques. Graphique et sanglant, il ne nous épargne rien, montrant avec une grande frontalité tout ce qu’on cache habituellement au cinéma. On y voit les doigts coupés, la vermine qui gagne la moindre plaie, un corps décapité pourrissant sur une chaise comme un trophée offert au regard des tous les passants. Derrière ce visuel insoutenable, il y a une histoire absolument incroyable où ces meurtres dissimulent un drame qui touche avant tout la population féminine de ces régions autrichiennes. L’impossibilité de prendre sa vie, sous peine de n’être ni enterrée, ni consacrée religieusement, a pu pousser des milliers de femmes à commettre des infanticides pour mourir, sans perdre leur âme.

Toute la première partie du film montre avec une force incroyable comment une femme peut sombrer dans le désespoir, voire la folie, à cause d’une vie devenue insupportable. La peur, l’angoisse et la connaissance de cette issue meurtrière amènent le dénouement qui ne peut exister que par ce crime impardonnable. Il est évident que l’atmosphère de cette maison perdue dans une forêt presque dénuée de lumière, entre une rivière des arbres à perte de vue, renforce l’étouffement qu’on ressent à force de trop voir le visage bouffi d’angoisse du personnage principal. Ce dispositif est une épreuve de force et de torture assez difficile à vivre, questionnant une telle pratique presque sadique de la part du duo de cinéastes.

The devil's bath

On retrouve un petit quelque chose de l’ambiance aperçue dans Midsommar d’Ari Aster, notamment dans cette fête qui clôt le film, où la mise à mort de la meurtrière devient un rituel joyeux. On assiste bouche bée à ce spectacle qui voit des enfants danser devant le corps décapité de cette femme, pendant que les autres villageois se battent pour se payer des coupes remplies du sang qui s’échappe du cadavre. La folie qui règne dans cette scène interroge sur la véracité de ce moment d’histoire, renforcée par un carton final qui atteste d’une pratique où le syncrétisme entre christianisme dévot et un paganisme des plus sauvages et étonne énormément.

S’il est difficile d’aimer un tel film, tellement les deux cinéastes s’appliquent à le rendre hideux et repoussant, il serait malhonnête de ne pas reconnaître la brillance de la démonstration. Toute la laideur qui envahit le plan est celui de pratiques inhumaines instaurées par une Église qui préfère le meurtre d’innocents au suicide qui serait le pire de mots. Tout ceci rehausse par une misogynie terrifiante qui voit les femmes être les cibles principale de toute cette folie. C’est donc entre le dégoût le plus extrême et une forme d’admiration devant cette démonstration, que nous laisse The Devil’s bath, un film qu’il va être bien difficile d’oublier, notamment grâce au talent d’Anja Plaschg, exceptionnelle dans ce rôle de femme confinée au meurtre faute de pouvoir prendre sa propre vie.


De Severin Fiala et Veronika Franz, avec Anja Plaschg, Maria Hoffstätter et Lukas Walcher.


Berlinale 2024




%d blogueurs aiment cette page :