SUPER HAPPY FOREVER
Sano est de retour à lzu, sur le littoral japonais. Il semble absent à lui-même et à ce qui l’entoure, sauf à cette casquette rouge qu’il cherche obstinément. Il est en quête d’un signe, d’une trace, de quelque chose qui pourrait attester d’un événement survenu ici, en réincarner le souvenir.
Critique du film
Il revient, sans qu’on ne sache vraiment pourquoi. Sano, visage fermé, silhouette nonchalante, remonte le fil d’un souvenir dans une station balnéaire japonaise sur le point de disparaître. À la recherche d’une casquette rouge perdue — détail en apparence dérisoire, presque enfantin — il remue en réalité quelque chose de bien plus vaste. Le fantôme d’un été, d’un amour. De ce qui aurait pu être, de ce qui n’est plus.
Super Happy Forever, le deuxième long métrage de Kohei Igarashi, prend des allures trompeuses de comédie romantique à l’envers. Mais c’est peut-être autre chose que le cinéaste esquisse : une cartographie délicate de la mémoire affective, une mélancolie en douceur où chaque lieu, chaque détail, chaque plan devient trace, d’un signe ou d’un regret. La narration fonctionne comme un miroir brisé, deux temporalités qui se répondent, s’éclairent, se contaminent. Le présent, opaque, marqué par l’absence ; le passé, solaire, porté par la grâce d’une rencontre inattendue entre Sano, son ami Miyata, et Nagi, une autre touriste de passage. Le film nous balade entre ces strates, sans jamais appuyer, et fait remonter le souvenir.
La fameuse casquette rouge, obsession de Sano, est plus qu’un accessoire : elle condense le film tout entier. C’est un totem du destin, de ce qui bascule sans bruit. Un objet banal devenu précieux. Car Super Happy Forever parle de ces instants qui prennent sens après coup, de ces détails qui, au lieu de se dissiper, s’installent dans nos vies comme des évidences qu’on ne peut plus saisir complètement.

Beyond the sea
Kohei Igarashi filme les lieux avec douceur, sans ostentation : une chambre vide, une jetée, un reflet dans les miroirs d’une porte d’ascenseur. Il capte cette sensation que les choses ont une mémoire, et que l’on revient moins dans un endroit que dans une émotion. La mer, omniprésente, berce le film d’un ressac discret — comme un battement de cœur qu’on entendrait à peine, mais qui ne s’arrête jamais.
Hiroki Sano porte le film avec une retenue bouleversante, face à Nairu Yamamoto, dont la fraîcheur fait d’autant plus mal qu’on sait déjà ce qu’il adviendra. Entre eux, le lien se tisse entre silences et sourires gênés. On se prend à convoquer Hong Sang-soo, Before Sunrise, un peu Ryusuke Hamaguchi parfois, mais Igarashi trouve sa propre langue, faite d’échos et de murmures.
Si Super Happy Forever est un film de deuil, c’est aussi celui du doux vertige d’une rencontre et de l’imprévisibilité de la vie, qu’on laisse passer sans savoir qu’elle nous échappe. Il rappelle que le bonheur n’est pas toujours spectaculaire et se loge souvent dans les petits riens, une chanson fredonnée, une cigarette mentholée, un pot de nouilles instantanées. Et une casquette rouge. Et qu’il suffit de presque rien pour que le souvenir rejaillisse.
Bande-annonce
16 juillet 2025 – De Kohei Igarashi






