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SCRAPPER

Après la mort de sa mère, la jeune Georgie, 12 ans, vit seule dans la maison familiale. Après avoir réussi à berner les services sociaux, l’astucieuse et intrépide gamine se débrouille grâce à un petit trafic de vélos et l’aide de son meilleur ami. Un jour, son père qu’elle n’a jamais connu refait surface pour s’occuper d’elle.

Critique du film

La paternité au cinéma, voilà un sujet qui imprime bien des bobines et attendrit de plus en plus le public depuis que les hommes ont entamé leur déconstruction et prennent une part active à l’éducation des enfants. D’ailleurs les exemples récents montrent qu’il est rarement question d’un rapport au fils, ça fonctionne mieux quand le père est celui d’une fille. Au résultat et pour coller encore plus à l’époque, montrer des exemples à suivre et laisser toute la place à cette relation, on a tendance à effacer totalement la figure maternelle. Qu’ils soient inséparables (voir Leave no trace), en réparation (voir Somewhere) ou encore fondateurs comme dans le récent et plébiscité Aftersun, les liens spécifiques à cette filiation continuent d’inspirer des récits de famille monoparentale en les teintant de nostalgie. Ce n’est pas forcément gai mais c’est toujours digne. À l’opposé de l’image de la mater dolorosa, celle du père reflète une personne calme et réfléchie, ou bien fautive mais repentante. Le père est alors hissé en héros sans cape, aimant mais mystérieux. Il est le socle incassable duquel ces jeunes filles vont pouvoir se lancer pour avancer dans la vie.

Le père, éternel modèle

En utilisant les dynamiques propres à cette tendance, Scrapper s’y inscrit totalement. Mais alors que les exemples précédemment cités, par ailleurs tous réalisés par des femmes, utilisaient cette base pour mener le film vers des questionnements plus profonds sur l’importance du père dans la construction de l’enfant ou sur l’image qu’on peut nourrir de lui, la réalisatrice Charlotte Regan ne parvient pas à dépasser son postulat et aborde son histoire sans réel point de vue. On ne peut certes pas lui reprocher de faire dans le pathos. Contrairement à ce que peut offrir le cinéma social britannique et son réalisme d’évier de cuisine, Regan se garde bien de faire dans le misérabilisme, ce qui est à la fois bienvenu et dommage.


En effet, à force de vouloir donner à son histoire un axe lumineux et optimiste, l’entreprise qu’elle mène avec Scrapper laisse un peu de côté les émotions, quelles qu’elles soient. Des enjeux d’émancipation de la jeune fille à l’attitude décontractée du père, tout est assez timide et se contente de rester en surface. Notons tout de même que, même si elle pose sa caméra dans un environnement vu et revu au cinéma, une cité populaire typique de l’Angleterre, Regan et sa cheffe opératrice (Molly Manning Walker, également réalisatrice de How to have sex) ont cependant évité les clichés et réussi à faire de ce lieu pittoresque et chargé de références un lieu coloré et plutôt joyeux, qui sert de royaume à Georgie.

Lola vers le père

L’atout principal du film réside dans le casting de son interprète, la jeune et talentueuse Lola Campbell, qui trouve ici son premier emploi au cinéma. Son jeu impressionne tant elle s’empare avec nuances et conviction de ce rôle de pré-ado rebelle et agressive (en argot anglais, le terme « scrapper » désigne une personnalité provocatrice et bagarreuse). Dotée d’un naturel confondant, elle forme avec Harris Dickinson, qui campe le père démissionnaire, un duo très crédible. L’acteur qui commence à se construire une solide carrière (on l’a vu notamment dans Sans Filtre) est lui aussi à l’aise dans un rôle qui, pourtant, peine à convaincre et pèche par manque de psychologie. Il joue plutôt au baby-sitter voire au grand-frère, sans qu’aucun sentiment de remords, de culpabilité ou de responsabilité ne soit évoqué.

De courtes pastilles amusantes montrant des personnages secondaires qui s’expriment face caméra ponctuent le film ici et là. Ce procédé crée des ruptures de rythme qui insufflent à Scrapper un ton enlevé contrastant avec le reste d’une narration qui, elle, ne sait pas trop comment se positionner. On est ici dans la recherche d’un portrait tendre qu’on prend soin de ne pas trop gâcher par un excès d’humour, de cynisme ou de tristesse, ce qui donne un résultat mignon mais trop en retenu et donc, un peu convenu.

Bande-annonce

10 janvier 2024 – De Charlotte Regan, avec Harris Dickinson, Lola Campbell et Alin Uzun.




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