MON AMI ROBOT
Dans un univers peuplé d’animaux où il est possible de fabriquer des robots pour palier à la solitude, Dog, un chien new-yorkais, se fait un nouvel ami : Robot. Ils jouent à la console, se baladent à Central Park, et deviennent vite inséparables. Mais lorsqu’un voyage à la plage laisse son ami Robot rouillé et immobilisé dans le sable, Dog doit malheureusement retourner seul à sa vie d’avant. Au fil des saisons, il tente de combler le vide émotionnel laissé par cette perte à travers une série d’amitiés passagères, sans jamais véritablement y parvenir. Pour Robot, seuls ses rêves et ses souvenirs heureux de Dog lui apportent un peu de réconfort. Chacun à leur façon, les deux amis s’accrochent à l’espoir de se retrouver un jour… Mais y arriveront-ils ?
Critique du film
On le regrette chaque année, la place accordée au cinéma d’animation à chaque édition du festival de Cannes demeure assez mineure. Après Le Petit Nicolas l’an passé, ce ne sont que deux longs métrages d’animation qui sont présentés cette année sur la Croisette, encore à la marge de l’Officielle : Linda veut du poulet du côté de l’ACID et Robot Dreams en Séance Spéciale, désormais renommé Mon ami robot pour son exploitation française. Pourtant, à la découverte du second, présenté sans tambours, on ne peut que le regretter.
Remarqué avec le très inventif Blancanieves, Pablo Berger prend tout le monde par surprise avec un film d’animation adapté du roman graphique de Sara Varon, Robot Dreams, dont il est tombé sous le charme. Une véritable prise de risque pour le cinéaste, puisqu’en plus de changer de technique, il adapte ce matériau sans parole et s’y tient. Un double défi qu’il relève haut la main, offrant l’un de beaux moments de cette 76e édition du festival de Cannes – et assurément du festival d’Annecy dans quelques semaines.
Le prologue, drôle et attachant, nous fait rencontrer Dog, un New-Yorkais au quotidien monotone. Chaque soir, il décongèle le même plat surgelé de Mac & Cheese et zappe vainement sur les différentes chaînes de sa télévision pour maintenir un semblant de vie dans son appartement tamisé, pour finir par s’endormir sur son canapé. Les jours se suivent et se ressemblent pour cet introverti complexé, pas forcément à son aise dans les interactions sociales. Ayant certainement subi le harcèlement par le passé, il s’est progressivement replié sur lui-même, trouvant refuge dans ses loisirs individuels.
Afin de lutter contre sa solitude et de trouver un remède à son besoin de connexion avec autrui, il commande un jour un robot doté d’intelligence artificielle, Amica 2000, qu’il s’empresse de mettre en fonction dès sa réception. Ensemble, à pied, à rollers ou en barque, ils vont parcourir la Grande Pomme, à la découverte de ses rues animées, de son métro bondé, de ses monuments emblématiques et de son célèbre parc central. Curieux et observateur, le Robot s’initie progressivement aux usages et à son environnement. Dog semble revivre aux côtés de ce nouveau compagnon, chez qui il trouve enfin un complice pour profiter de l’existence. En musique et avec une joie de vivre contagieuse, ces adorables moments deviennent de véritables missiles d’euphorie qui atteignent leur cible, en plein coeur.
Seul.s au monde
Lors d’une belle journée à la plage, dans un cadre idyllique, ils s’offrent de beaux instants de bien-être et de jeu, avant de s’endormir l’un et l’autre sur leur serviette, scellant leur amitié. C’est donc un véritable crève-coeur, alors que leur complicité est au firmament, et que Dog semble enfin avoir trouvé le bonheur, lorsque le Robot ne parvient plus à se relever de sa serviette. N’a-t-il plus de batterie ? Est-il en train de s’éteindre ? Malgré ses innombrables tentatives pour lui venir en aide et le ramener chez lui, Dog doit se résoudre à abandonner son loyal partenaire à son sort, figé au sol. Cette séparation forcée est un déchirement tant pour le personnage que pour le spectateur qui partage sa souffrance et son impuissance. Un tiers seulement du film est passé que ces deux acolytes s’étaient déjà greffé une belle place dans nos coeurs.
Les semaines passent et, malgré différentes stratégies pour le secourir, Dog ne parvient pas à sortir Robot de son piège de sable. Seul, sur la plage abandonnée, ce prisonnier immobile devra rester livré à lui-même jusqu’à l’été suivant, à la réouverture des lieux. Les semaines passent, la vie suit son cours pour Dog qui doit désormais faire l’apprentissage de la perte, tandis que Robot commence à rêver différents scénarios de retrouvailles, qui achèvent de nous faire fondre de compassion pour ces deux amis séparés à nouveau lorsque ses songes s’évaporent et le ramènent à son cruel purgatoire.
Do you remember ?
Avec Robot dreams, Pablo Berger atteint des sommets de poésie, d’humour et de mélancolie qui rappellent l’âge d’or des studios Pixar. Quelque part entre Her, BoJack Horseman et Le géant de fer, cette grande et belle histoire d’amitié, dopée à la créativité et à l’humanité, parvient à ce fragile équilibre de ton et dépeint, avec une troublante justesse, notre époque si contradictoire faite d’isolement galopant dans les grandes métropoles.
Fort de sa lumineuse animation dessinée à la main, truffée de savoureux détails et vivante sans être tape-à-l’oeil, le film de Pablo Berger conserve l’esthétique, l’esprit et le dispositif non-verbal de l’oeuvre originelle pour s’envoler bien au-delà du simple divertissement pour jeune public, ouvrant vers des thématiques plus philosophiques telles que l’impermanence des lieux comme des êtres ou l’importance et la fragilité de l’amitié. Comédie dramatique douce-amère, qui fourmille de belles trouvailles comme de malicieuses références et ne cède jamais à la facilité, Robot dreams (Mon ami robot) se distingue jusqu’à son dénouement à contre-pied des attentes, pour gagner encore un peu plus nos coeurs et s’inscrire dans nos mémoires comme l’un les plus beaux souvenirs d’animation de ces dernières années.
Bande-annonce
27 décembre 2023 – Pablo Berger