ÉLÉMENTAIRE
Dans la ville d’Element City, le feu, l’eau, la terre et l’air vivent dans la plus parfaite harmonie. C’est ici que résident Flam, une jeune femme intrépide et vive d’esprit, au caractère bien trempé, et Flack, un garçon sentimental et amusant, plutôt suiveur dans l’âme. L’amitié qu’ils se portent remet en question les croyances de Flam sur le monde dans lequel ils vivent et la personne qu’elle aspire à devenir…
Critique du film
Révélé en 2009 avec Passages nuageux, Peter Sohn fit ses débuts au cinéma avec Le voyage d’Arlo qui, s’il forçait l’admiration pour sa virtuosité technique, montrait déjà ses premiers coups de mou créatifs. Retrouvant la fantaisie de son court-métrage, le cinéaste signe avec sa seconde réalisation une fable romantique et politique sur fond de mixité, d’acceptation et de filiation.
Présenté en clôture du festival de Cannes 2023 à l’issue de la mémorable cérémonie ayant récompensé Justine Triet et son remarquable Anatomie d’une chute, Élémentaire des studios Pixar arrivera dans les salles françaises le jour de l’été, à un moment charnière de l’histoire du studio. La firme à la lampe, qui a récemment remercié plusieurs de ses artistes, semble désormais bien engluée dans sa stratégie de franchises qui lui a fait perdre son lustre d’antan. Si quelques films originaux ont bien vu le jour ces dernières années, on ne peut que regretter un déclin qualitatif (En avant) ou une absence délibérée des salles au profit de la plateforme Disney (Soul). C’est ainsi qu’Élémentaire arrive (comme son héroïne) avec une certaine responsabilité sur les épaules, celle de porter l’héritage de ses aînés, de raviver cette flamme qui commence à s’éteindre plutôt que de souffler sur les quelques braises restantes, vestige de son ardent prestige historique.
Retrouver la flamme
Venant de quitter leur pays d’origine, Fireland, pour offrir une nouvelle vie à leur petite fille Flam, un couple d’immigrants (Brul et Sandra) arrive en bateau à Element City (qui rappelle fortement New York). Isolés et sans le sou, spontanément rejetés par les habitants chez qui ils inspirent spontanément la méfiance ou l’hostilité, ils trouvent finalement refuge dans un quartier ouvrier périphérique, Fire Town, où Brul décide d’ouvrir une épicerie qui fait rapidement fureur auprès de sa communauté, les Flamboyants. Alors que ce dernier commence à ressentir le poids des années, il prépare chaque jour sa fille à ce qu’elle reprenne l’entreprise familiale. Au début de sa vie d’adulte, Flam apprend à se connaître et ne maitrise pas encore son tempérament de feu, incapable de créer du lien avec la clientèle devant laquelle elle perd régulièrement ses nerfs.
Lorsqu’un inspecteur de la ville, un Aquatique maladroit du nom de Flack (parfaitement doublé par Vincent Lacoste), se retrouve accidentellement dans leur sous-sol et les affuble d’une menace de fermeture administrative, Flam se retrouve à faire équipe avec lui afin de régler ce problème de fuite majeure qui menace le quartier. Leur alliance de circonstances, d’abord peu évidente, va les conduire tous deux à se découvrir, individuellement et réciproquement, jusqu’à ce que naissent des sentiments amoureux. Mais comment s’aimer lorsqu’on ne peut même pas se toucher ? Comment faire accepter cet amour entre deux êtres que tout oppose ? Pire, comment l’avouer à ses parents qui ont tout sacrifié pour venir s’installer à Element City ?
Trouver l’étincelle
C’est lorsque le film se penche sur cette thématique culturelle (le sacrifice migratoire, la transmission familiale et la ségrégation raciale) qu’il se montre le plus intéressant. Tandis que l’ensemble du long-métrage semble avant tout cocher les cases d’un cahier des charges devenu presque trop ostensible, privilégiant les belles images colorées et les gags à destination du jeune public, Élémentaire trouve son salut dans les éléments autobiographiques de son auteur – Peter Sohn, d’origine coréenne et désormais marié à une Américaine. Son histoire d’amour interculturelle, majoritairement prévisible, fait basculer le récit dans une dimension plus politique, et donc moins enfantine, traduisant tendrement et assez justement les conflits intérieurs de son héroïne enflammée. Par cette relation naissante et bousculant ses repères, Flam parviendra progressivement à comprendre ses propres parents en tant qu’individus et, peut-être, à trouver le juste équilibre entre la reconnaissance des sacrifices qu’ils ont faits pour elle et la possibilité de vivre heureuse dans leur pays d’adoption – qui est le seul qu’elle ait connu.
C’est donc bien grâce à cette parabole opportune, à un moment où les pays occidentaux semblent glisser dans une xénophobie inquiétante, qu’Élémentaire sauve les meubles. S’il parvient, comme son héroïne, à se façonner son propre chemin dans l’ombre de ses prédécesseurs, il le fait en optant pour une structure narrative – satisfaisante mais – prévisible et un univers graphique pleinement dans l’ère du temps Disney, l’empêchant de s’inscrire durablement dans les coeurs.
Bande-annonce
21 juin 2023 – De Peter Sohn, avec les voix d’Adèle Exarchopoulos et Vincent Lacoste