ANOTHER END
Sal ne se remet pas de la mort de Zoe, l’amour de sa vie. Sa soeur, Ebe, lui suggère d’essayer « Another end », un nouveau logiciel permettant de ramener brièvement à la vie la personnalité d’un défunt. Sal retrouve ainsi Zoe, son esprit imbriqué dans un nouveau corps, bien décidé à ne pas laisser cette expérience s’achever à la fin du programme.
Critique du film
Dans un futur indéterminé, où la technologie permet de transférer la conscience d’un défunt dans le corps d’un vivant, Another End ravive une question ancienne avec des moyens nouveaux : que reste-t-il de l’amour lorsque l’être aimé n’est plus, mais que son souvenir persiste, réincarné et artificiellement prolongé ? Piero Messina orchestre ici une élégie SF au croisement du mélodrame existentiel et de l’anticipation, où il est question de deuil, de mémoire et de vertige amoureux. Il en résulte un film d’une beauté formelle indéniable, quelque part entre After yang et Eternal sunshine, dont l’atmosphère de rêve brisé s’imprime sur la rétine malgré ses égarements scénaristiques.
La mise en scène de Messina épouse l’état flottant des personnages : décors aseptisés, lumières diffuses, mouvements feutrés. Gael García Bernal, détruit de l’intérieur, semble errer dans cette ville sans nom à la recherche de ce qui fut et de ce qu’il aimerait retrouver. Face à lui, Renate Reinsve livre une performance presque hypnotisante. En Hôte « habitée », puis en travailleuse du sexe retrouvant peu à peu sa propre conscience, elle intrigue autant son partenaire que le spectateur, dans une performance toute en nuances de présence, de corporalité et d’évolution subtile.

Pourtant, malgré l’élégance du geste, le film, lui, se perd progressivement dans sa deuxième heure. Le récit se dilue et s’égare, néglige certains arcs au profit d’autres — notamment autour de la relation entre Sal et sa sœur, dont on ne saura presque rien, comme s’ils n’étaient là que pour entourer l’obsession du protagoniste principal. L’histoire dévie ainsi vers une traque nocturne, étrangement lubrique, de l’Hôte redevenue elle-même — un virage narratif aussi troublant que frustrant, comme si la fascination de Sal pour cette femme insaisissable supplantait les questions morales plus profondes que le film avait amorcées sans véritablement les approfondir — pour y revenir en dernière minute dans un dernier acte improbable car précipité.
Alors que le générique arrive, persiste une sentiment de frustration et de promesses évaporées comme si le film avait refusé de choisir ce qu’il voulait être : conte métaphysique, thriller sentimental ou récit désenchanté d’un amour impossible. Reste une œuvre paradoxale, inégale, où tout ce qui vibre se dissipe dans une brume un peu trop épaisse pour laisser de vraies traces — sauf peut-être celle, éclatante, de Renate Reinsve, qui habite le film comme une apparition.
Bande-annonce
28 mai 2025 – De Piero Messina
Avec Gael Garcia Bernal, Renate Reinsve et Bérénice Bejo






