Acide

ACIDE

Selma, 15 ans, grandit entre ses deux parents séparés, Michal et Élise. Des nuages de pluies acides et dévastatrices s’abattent sur la France. Dans un monde qui va bientôt sombrer, cette famille fracturée va devoir s’unir pour affronter cette catastrophe climatique et tenter d’y échapper.

Critique du film

La présentation d’Acide en Hors Compétition au 76ème Festival de Cannes avait de quoi susciter l’enthousiasme à plus d’un titre. Tout d’abord, parce qu’elle elle offrait une large visibilité à un thriller fantastique français, place de choix rarement accordée à ce type de long-métrage. Ensuite, parce qu’une telle exposition tend à envoyer un message positif à l’industrie cinématographique hexagonale. Il n’est en effet pas si courant de voir un acteur de la production aussi puissant que Pathé soutenir une proposition de genre aux contours horrifiques. Dernière raison de croire au projet : la présence de Just Philippot derrière la caméra. Le réalisateur lorgnait déjà sur les terres de l’épouvante avec son précédent film, La nuée, sans jamais faire l’impasse sur un propos social fort.

Pluie d’enfer

Acide joue de nouveau la carte de l’ancrage social contemporain comme écrin principal à son récit. L’affrontement syndical qui ouvre le film renvoie directement à des images issues du réel, illustrant une tension que plus rien ne semble pouvoir contenir. L’utilisation de plan secs et tremblants, faussement captés sur le vif, s’inspire d’ailleurs de nombreuses captations de rixes ayant eu lieu en France ces dernières années. Par cette introduction brutale, Just Philippot fait état d’une société au bord de l’implosion, gangrénée par une crise socio-politique au paroxysme de sa violence. L’immersion du spectateur est immédiate, appuyée par un sentiment de réalisme efficacement retranscrit par le choix de mise en scène.


Étrangement, ce cadre anxiogène ne sera jamais vraiment questionné ou traité par le film. Contrairement à La nuée qui puisait dans la grammaire du cinéma d’horreur pour aborder les problématiques de la précarité agricole, Acide choisit d’opter pour une démarche artistique quasiment inverse. Ici, les angoisses du monde actuel servent principalement de véhicule à la véritable ambition du film : exploiter à fond son concept de pluie mortelle afin de proposer un survival marchant dans les pas d’un certain cinéma hollywoodien des années 90 (Twister, Pluie d’enfer, etc.).

Acide n’est jamais aussi convaincant que lorsqu’il assume pleinement son statut de série B et met ses personnages à l’épreuve des averses apocalyptiques annoncées par son titre. À ce sujet, la première séquence de pluie corrosive est un modèle de montée en tension, parfaitement exécuté. L’horreur s’invite progressivement au sein du cadre grâce à un montage alterné au rythme diabolique, une bande sonore asphyxiante – la partition de ROB est à saluer – et des effets numériques très solides. La seule image de chevaux galopant sous une pluie acide qui dissout leur peau ne manquera pas de marquer la rétine, tout comme plusieurs scènes éprouvantes qui n’hésite pas à malmener physiquement les différents protagonistes. Certains choix narratifs particulièrement cruels apportent par ailleurs une forme de radicalité assez inattendue pour un divertissement de cet acabit, renforçant cette idée de cauchemar réaliste vécu par les personnages.

Grosse pluie n’abat pas grand vent (scénaristique)


Pour autant et malgré ses nombreuses qualités visuelles, le film échoue très souvent à générer un tant soit peu d’émotion ; un problème principalement imputable à une construction dramaturgique bancale. Les enjeux développés autour des personnages ne présentent jamais grand intérêt, le récit suivant le schéma très classique du film catastrophe où une famille en crise doit affronter l’adversité pour espérer se retrouver. On sent constamment l’influence de La Guerre des Mondes de Steven Spielberg planer sur le film. Malheureusement, cette comparaison ne joue pas en faveur d’Acide tant la caractérisation de ses personnages parait grossière, voire caricaturale dans le cas de l’insupportable adolescente jouée par Patience Munchenbach.

Pire, il demeure au sein du projet un tel manque de cohérence dans l’enchaînement de certaines scènes qu’il n’est pas irraisonnable de penser que le film ait subi une post-production des plus tourmentées. Outre l’absence de logique qui relie certaines séquences entre elles, il n’est pas rare pour le spectateur de ne pas comprendre certains agissements des personnages à l’intérieur d’une même scène ! Difficile de savoir à l’heure actuelle si les contraintes budgétaires liées à l’énorme ambition visuelle du film ont forcé la production à mutiler le scénario initial pendant et aval du tournage. Quoi qu’il en soit, il flotte un sentiment d’inaboutissement global au terme du visionnage, accentué également par une conclusion bâclée et bizarrement hâtive.

Inégal mais hautement stimulant, on retient d’Acide un bel effort de cinéma de genre à la française qui bénéficie d’un soin tout particulier apporté à sa direction artistique post-apocalyptique, elle même ponctuée d’effets gores très efficaces. Autant de qualités qui font regretter un scénario pataud qui s’embourbe progressivement dans les poncifs du genre. Au final, peu importe les réserves car on souhaite retrouver Just Philippot au manettes d’un nouveau long qui conjuguerait la maitrise formelle d’Acide avec l’exigence scénaristique de La nuée.

Bande-annonce

20 septembre 2023 – De Just Philippot, avec Guillaume Canet, Laëtitia Dosch et Patience Munchenbach.


Cannes 2023 – Séance de Minuit 




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