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THE DISSIDENT

En 2018, le journaliste du Washington Post, Jamal Khashoggi, disparaît au consulat saoudien d’Istanbul. Qui se cache derrière ce crime ? Bryan Fogel propose un regard puissant et effrayant sur une dissimulation internationale. Appuyé de preuves, d’images inédites et d’intervenants comme la fiancée de Jamal, Hatice Cengiz, la police et les procureurs turcs, tout désigne le prince héritier Mohammed Ben Salmane. THE DISSIDENT illustre qu’une personne allant à l’encontre de forces puissantes n’est jamais en sécurité…

Critique du film

The Dissident débute avec une ambiance digne de celle des thriller américains à tendance paranoïaque comme les années 70 en ont offert avec des films de Pakula ou de Coppola. Sauf qu’ici, on n’a pas affaire à une fiction mais à un documentaire explosif, instructif et terrifiant, qui délivre ce constat implacable : personne n’est à l’abri, de mesures de surveillance, d’espionnage ou de rétorsion en cas de comportement subversif envers certains puissants de ce monde.

Mohammed Ben Salmane, prince héritier, sous couvert de lutte contre la corruption, cherche à se débarrasser de tous ses détracteurs ou contradicteurs. Jamal Khashoogi, autrefois proche du pouvoir saoudien, avait pris ses distances avec celui-ci et s’était exilé aux Etats-Unis en 2017 et s’était mis à écrire pour le Washington Post. Sa disparition en octobre 2018, alors qu’il avait pénétré dans le consulat d’Arabie Saoudite à Istanbul pour ne jamais en ressortir, a défrayé la chronique et suscité un scandale international. L’enquête a été freinée par de très nombreuses obstructions, la police scientifique ne pouvant par exemple procéder à des analyses à l’intérieur des locaux que treize jours après la disparition. 

Dans la toile…

L’un des aspects effrayants de ce documentaire haletant est l’impression d’être au milieu d’une toile d’araignée informatique. En Arabie Saoudite, 80% des habitants possèdent un compte Twitter (en comparaison, seuls 20% des américains en ont un). Le réalisateur nous apprend l’existence des « mouches », armée de saoudiens rivés à Twitter et possédant chacun 10 ou 20 comptes. A chaque fois qu’un tweet un tant soit peu dérangeant pour le régime est repéré, les mouches entrent en action en déversant une avalanche de messages critiques ou de dénigrements. Un combat à priori perdu d’avance.

De même, l’un des intervenants de The Dissident, Anthony J. Ferrante, qui fut expert en cyber-sécurité pour la Maison Blanche de 2015 à 2017, estime que l’Arabie Saoudite constitue, avec l’Iran, la Chine, la Russie et la Corée du Nord, l’un des pays spécialistes des cyber-attaques. Un entreprise israélienne de sécurité informatique, NSO, fait même l’objet de suspicions : elle contribuerait activement à ce que les saoudiens disposent du meilleur outil de piratage possible. Jeff Bezos lui-même aurait vu son téléphone infecté par un message malveillant envoyé via WhatsApp par le téléphone du prince héritier Mohammed Ben Salmane.

L’un des autres atouts de ce documentaire, dont la musique, le montage et la photographie sont par ailleurs particulièrement soignés, réside dans les images d’archives exceptionnelles, certaines issues de caméras de surveillance qui restituent les moments précédents le meurtre atroce de Khashoggi – dont  on pense avec certitude qu’il a été démembré vivant avec une scie à os. Certains passages sont d’ailleurs glaçants, quand on comprend la minutie et la froideur avec lesquelles cet acte indicible a été commis. 

Pour la vérité

Certains moment sont particulièrement poignants, ainsi ceux consacrés à Hatice Cengiz, qui était la fiancée du journaliste assassiné. Et qui se bat pour la vérité. Le courage et l’opiniâtreté dont fait preuve cette femme forcent le respect. Tout comme la détermination de certains rapporteurs spéciaux des Nations Unies, comme Agnès Callamrd ou David Kaye.

La position de Donald Trump et de son administration dans cette affaire apparaît pour le moins lâche, voire abjecte et d’un cynisme qui dépasse l’entendement. En enterrant une note officielle de la CIA qui concluait que le prince héritier Mohamed Ben Salman était le commanditaire de ce meurtre. Cette note avait été « enterrée » par Trump. Depuis, Joe Biden a annoncé qu’il allait faire déclassifier ce document. Et lorsque le Congrès américain a décidé de suspendre la vente d’armes à l’Arabie Saoudite, Trump a utilisé son droit de veto pour s’opposer à cette mesure. 

Avec The Dissident, le réalisateur Bryan Fogel réussit un document nécessaire et impressionnant qui bouscule les certitudes. Particulièrement instructif, clair et documenté, il s’agit d’une œuvre intense et indispensable, nominée aux BAFTA 2021, dans la catégorie « meilleur documentaire ».


Disponible en VOD premium / E-cinema le 15 mars


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