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TOUTE PREMIÈRE FOIS

Jérémie, 34 ans, émerge dans un appartement inconnu aux côtés d’Adna, une ravissante suédoise aussi drôle qu’attachante. Le début dʼun conte de fées ? Rien nʼest moins sûr car Jérémie est sur le point de se marier… avec Antoine.

Toute première foirée.

Des histoires d’hétéros, ou de personnages présentés comme tels, s’enamourant d’un ou une homo, ont inspiré de multiples comédies ou drames (Gazon Maudit, L’Homme de sa vie, Les Chansons d’amour…). En revanche, on n’avait encore jamais vu au cinéma un gay virer sa cuti après avoir couché avec une femme. Le point de départ de Toute première fois est donc relativement original et prometteur en situations comiques. Hélas, le premier film de Noémie Saglio et Maxime Govare cherche davantage à ne déplaire à personne qu’à contenter tout le monde. Le résultat est des plus consensuels, mais n’est jamais vraiment sensuel.

Le scénario met en avant un couple de gays bon teint (un chef d’entreprise, un futur médecin, bref, deux potentiels lecteurs du Figaro), rien qui dépasse (une vie plan-plan), rien qui fasse trop « follasse ». Non, vraiment, des gays qui « donnent une bonne image des gays » – « pas comme ceux qui s’exhibent en slip de cuir sur les chars de la Gay Pride » pourrait ajouter le héros anti-Marche des fiertés (les scénaristes ignorent visiblement beaucoup de la question des droits des LGBT, des émeutes de Stonewall, de la dépénalisation de l’homosexualité, des discriminations qui perdurent aujourd’hui…). Pour rééquilibrer cela, les scénaristes ont prévu, dans un second rôle, une caricature de folle comme on en croise jamais en vrai, fringuée comme personne ne se fringue jamais en vrai. Ce personnage est la seule vraie figure de gay militant du film. Mais sa dimension engagée est davantage moquée que fouillée. Lors de sa première apparition à l’écran, Nounours, c’est le surnom infantilisant de ce second rôle (cela dit le niveau de crédibilité que l’on veut lui accorder) crie à l’homophobie (ben oui, quoi, les gays ont cette tendance si rigolote à se victimiser alors qu’on vit dans une société si tolérante…) quand il apprend que Jérémie vient de se faire agresser (alors que le spectateur sait que le motif de cette agression n’a rien d’homophobe). C’est là l’unique fois que le film évoque la question de l’homophobie. Certes, le duo de réalisateurs explique dans moults interviews que cette comédie, où l’homophobie n’existe pas ou ne relève que de l’affabulation d’un Nounours, est une fable et qu’il faut la prendre comme telle. Mais, dans ce cas, pourquoi ne pas avoir éviter complètement d’aborder cette question ?

Parler de ce qu’aborde et de ce qu’élude Toute première fois revient à lister ses faiblesses et ses limites. Le scénario préfère se concentrer sur l’aspect purement comique, au détriment de ses personnages et de leurs émotions. Ainsi, il était plus facile de construire un dialogue autour d’une « bifle », en montrant clairement le sexe de Franck Gastambide à l’écran (ça fait subversif et, avec un peu de chance, ça peut faire du buzz), que d’écrire les répliques d’une scène d’explication et de séparation entre Jérémie et son futur ex-compagnon. Résultat, on obtient un gloubi-boulga de scènes et de situations qui plairont autant à un public homo peu regardant sur la psychologie des personnages qu’à un public homophobe qui aura l’impression de voir validée la théorie selon laquelle être homo est un choix et que si l’on est gay, c’est que l’on a pas rencontré « la bonne fille ». Le hic, c’est que les coréalisateurs n’ont absolument pas voulu servir ce discours – et on veut volontiers croire leurs bonnes intentions.  

Il se trouve qu’en 2015, évoquer le mariage des couples homosexuels dans une comédie ne peut s’affranchir de la dimension politique. Le vote de la loi est encore frais, la plaie de l’homophobie qui a déferlé lorsque le texte était en débat à l’Assemblée n’est pas encore refermée… Résumer cette question à un simple prétexte à comédie était donc un piège, dans lequel Noémie Saglio et Maxime Govare sont tombés à pieds-joints.


Avec Pio Marmaï et Camille Cottin




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Mickael
Mickael
9 années il y a

Je l’ai vu samedi matin et je ne pense pas que le scénario soit centré à 100% sur le comique. Certes, on y a droit, le sujet est traité avec une certaine légèreté mais l’accent est parfois mis sur les ressentis des personnages, quelque peu tourmentés par l’ambivalence des situations rencontrées. Je pense que le film plaira dans son ensemble, car il entraine un certain divertissement au final – certes sur un sujet sensible et beaucoup politisé ces derniers temps.

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