SAM FAIT PLUS RIRE
Sam, une jeune comédienne et jeune fille au pair souffrant de stress post-traumatique, se demande si elle doit ou non participer aux recherches de Brooke, une fillette disparue dont elle était la nounou.
Critique du film
La vie est bien souvent une question de poids, de fardeaux physiques ou mentaux avec lesquels on doit malgré tout apprendre à vivre. Dans Sam fait plus rire (I used to be funny), la charge est ultime, le traumatisme est inconcevable et la reconstruction qui s’ensuit l’est tout autant, si ce n’est plus. C’est avec une structure narrative basée sur l’alternance entre pré et post-traumatisme qu’Ally Pankiw entend faire cohabiter ses deux tons : l’humour (souvent protecteur) et le drame (presque constamment juste). L’écriture s’en sort toujours, laissant systématiquement assez de place aux deux facettes de Sam, protagoniste incarnée par une Rachel Sennott dont le jeu changeant représente une grande partie de la réussite qu’est Sam fait plus rire.
L’ensemble pourrait être trop vite considéré comme un simple film « à performance », ce serait toutefois oublier à quel point la dissémination du propos a été intelligemment pensée. A l’instar de la personnalité dont a hérité Sam, la vraie raison de ce changement est enfouie, cachée et refoulée dans les interstices du film. Quelques scènes mettent sur la piste, mais l’horreur vécue par Sam ne peut qu’être redoutée bien qu’à peine imaginable. Ce n’est pas en s’emparant d’une scène choc ou d’un moment purement graphique que le film fait réaliser l’effroyable événement, l’analyse se trouve être très humaine, opérant une dissection des mécanismes mentaux laissés en ruines. Sam ne fait plus rire, non pas du fait d’un humour perdu, mais à cause d’un monde ayant rattrapé son seul bouclier psychologique en tant que femme dans une société où nombre d’hommes sévissent en toute impunité.

Il ne s’agit pas de représenter les violences sexuelles seulement comme un traumatisme à un instant T, mais bien d’explorer à quel point la vie s’arrête, l’horreur s’étire et grignote de l’intérieur tout un être. La présence de Brooke incarne d’ailleurs ces constants rappels qui hantent Sam, sa vision du monde est parasitée, brouillée par ce qui n’aurait jamais dû arriver. En traitant un cas de viol de manière aussi diluée, Ally Pankiw ouvre le récit, permet une compréhension accrue de « l’après ». Le stade de la bataille juridique est passé (l’agresseur de Sam ayant été condamné), le temps est désormais à la reconstruction ou en tout cas à la tentative. Les ami·e·s de Sam sont les témoins du temps long de cette réparation, quand bien même elle paraît leur peser, iels ne cessent de répéter que « ce n’est pas grave » de mettre sa vie en pause pour espérer retrouver progressivement goût à une existence qui a été abîmée.
Sam fait plus rire frappe fort. Sa capacité à ancrer sa protagoniste dans une réalité légère, comique, tout en l’enfonçant progressivement dans un drame presque insurmontable instaure forcément une proximité empathique. Dans une ère post-MeToo, ainsi que dans des sociétés occidentales ayant la fâcheuse tendance à conserver une certaine impunité sur les violences sexuelles, Rachel Sennott (Shiva baby) interprète un personnage auquel nous sommes chaque jour confrontés hors de la fiction. Il n’y a effectivement pas de quoi rire devant un tel constat, mais il y a matière à acclamer des films tels que Sam fait plus rire pour montrer, avec une certaine amplitude, un sujet d’importance capitale.
Bande-annonce
30 juillet 2025 – D’Ally Pankiw






