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PUNCH-DRUNK LOVE – IVRE D’AMOUR

Barry Egan, un trentenaire timide et complexé, passe le plus clair de son temps à collectionner les bons d’achat d’une marque de gâteaux. Depuis sa plus tendre enfance, il est accaparé par ses sept harpies de sœurs, si bien qu’il n’a jamais eu le temps de faire sa vie, ni de tomber amoureux. Jusqu’au jour où l’une d’entre elles lui organise un rendez-vous avec une troublante jeune femme se nommant Lena Leonard…

Enter the Sandman

C’est à la conférence de presse cannoise donnée en l’occasion de sa projection en Compétition Officielle qu’une clé de Punch-Drunk Love s’offre aux journalistes-spectateur.ice.s. En réponse à la question hautaine d’un journaliste, celui-ci interpellé par la présence de l’acteur de comédies populaires et potaches qu’est Adam Sandler dans un film du réalisateur de MagnoliaPaul Thomas Anderson répond tout simplement : « He’s funny to me ».

Une déclaration d’amitié, de respect, qui va coller à Punch-Drunk Love. Paul Thomas Anderson a taillé le personnage de Barry Egan pour Adam Sandler. Dès le premier plan, où Barry figure isolé dans un coin de l’espace comme restant dans une bulle à l’écart, le cinéaste avait déjà conscience de l’image de Sandler laissé au cinéma. Faut-il y voir un hacking de P.T.A pour implanter Sandler dans un certain cinéma d’auteur américain prestigieux ? Une reprise de la même formule des comédies Happy Madison qui ont fait le succès de Sandler ? Car que racontent Happy Gilmore ou Billy Madison au final ? L’avancée d’un personnage outsider (avatar décliné sous plusieurs formes par Sandler tels qu’un joueur de golf ou un adulescent devant retourner à l’école primaire) qui ne va pas apprendre à évoluer en tant qu’individu mais à se faire accepter dans le monde où il se retrouve associé en restant tel qu’il est.

Impossible de ne pas faire le lien avec les aboutissements de Punch-Drunk Love et le voyage romantique (allant jusqu’à Hawaï!) qu’entreprend Barry durant le film. Un individu en marge, accaparé par sept sœurs qui le méprisent et une sinistre arnaque au téléphone, qui va s’affirmer au nom d’un amour pour Lena, interprétée par Emily Watson. Il suffit de voir Sandler gesticuler dans tous les sens et hurler à tout va pour comprendre que rien ne le changera et tant mieux pour lui et pour nous.

Punch Drunk Love

Mais il serait réducteur de voir Punch-Drunk Love uniquement comme un ersatz auteuriste des comédies d’Adam Sandler. Pour que cet amour d’un réalisateur pour son comédien se transmette à l’écran, il faut également que celui-ci s’imbrique parfaitement dans l’univers du cinéaste. Si Paul Thomas Anderson comprend la magie de voir Billy Madison poursuivre un pingouin imaginaire à bord d’une voiturette, Adam Sandler sait magnifiquement ce qu’est de jouer un personnage Paul Thomas Andersonien.

There Will Be Love

Non seulement Barry est un avatar des rôles d’Adam Sandler, mais il est aussi une variation des portraits d’hommes que l’on a toujours observés chez Paul Thomas Anderson. Un homme dévoré par sa propre insécurité, dont il se plaint lors d’un repas de famille qui tourne mal, seul et broyé par différentes forces s’opposant à lui. Difficile de ne pas voir en Barry le flic joué par John C. Reily dans Magnolia ou la maladresse enfantine de Dirk Diggler dans Boogie Nights. Ce qui donne un travail de fusion chez ces deux artistes stupéfiant. Une symbiose entre les deux qui font que cette romance impressionne. Car, pas de doute, la virtuosité du cinéaste et ses obsessions sont bien présents.

Avant ce film, on avait laissé la caméra de Paul Thomas Anderson capturant le regard souriant de Melora Walters dans Magnolia ; après trois heures de tourments traumatiques éprouvants. Punch-Drunk Love est un prolongement de ce regard, un rouleau-compresseur instable, malgré l’apparente méticulosité du cinéaste, qui nous retranche dans une palette d’émotions (appuyé symboliquement par ces nuées de couleurs qui introduisent et clôturent le film) fortement expressive. Punch-Drunk Love est un film où l’innocence du sentiment amoureux triomphe victorieusement contre le sordide qui malmène nos deux héros. Un film sur l’amour fait par des gens amoureux. C’est aussi pour ça que l’on aime le cinéma de Paul Thomas Anderson : pour son emphase.


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