PREDATOR : KILLER OF KILLERS
Les trois plus grands guerriers de l’histoire de l’humanité : une Viking, un ninja du Japon féodal et un pilote de la Seconde Guerre mondiale font face au tueur des tueurs.
CRITIQUE DU FILM
« Traverse les étoiles et déniche la proie la plus forte. Elle constituera ton trophée. Deviens le tueur de tueurs. » — Yautja Codex 0522/74
C’est sur cette citation, extraite du supposé code d’honneur des Yautjas (le nom de la race des Predators), que s’ouvre Predator : Killer of Killers, premier long-métrage d’animation de la saga initiée par John McTiernan en 1987. Une profession de foi guerrière, annonciatrice du programme à suivre : trois récits, trois époques, trois duels. Trois mythes de la prédation humaine réécrits sous l’œil d’un chasseur venu d’ailleurs.
Dan Trachtenberg, déjà responsable du sympathique Prey (2022) qui avait ravivé l’intérêt pour la saga sur Disney+, délaisse ici les codes du survival en terrain naturel pour une structure anthologique ambitieuse. Assisté par Josh Wassung du studio d’animation VFX The Third Floor, il a développé ce projet en parallèle du prochain Predator : Badlands, lequel aura de nouveau les honneurs d’une sortie dans les salles en novembre 2025, symbole du retour en force de la franchise.
LA DIFFÉRENCE ENTRE LE BON ET LE MAUVAIS CHASSEUR
Dans cette fresque en trois temps — Le Bouclier, Le Sabre, La Balle —, les deux réalisateurs s’approprient les différentes figures culturelles du guerrier parmi les périodes les plus brutales de notre civilisation, pour mieux les passer au révélateur du plus féroce des adversaires. Ils nous rappellent ainsi pourquoi, plus de 35 ans après son apparition, on continue autant à craindre que d’admirer cette véritable icône du cinéma de genre.
La première partie, Le Bouclier, nous catapulte au IXe siècle, en pleine ère viking. Ursa, cheffe de clan taillée à la hache, cherche à assouvir sa vengeance tout en transmettant son code de survie à son fils. Sous les cieux d’un fjord baigné dans une brutalité viscérale, les combats sont brefs, brutaux, sanglants. La caméra suit les mouvements avec une fluidité efficace, captant chaque coup, chaque éclat. Les corps s’effondrent, les membres volent, la glace rougit. L’animation, nerveuse et stylisée, rappelle l’excellente série Arcane. C’est au cœur de ce chaos qu’apparaît au loin une silhouette camouflée et que des cliquetis familiers résonnent. On devine l’observateur silencieux en quête d’un adversaire digne de lui. Ce premier segment fixe les règles du jeu : le Predator n’est pas tant l’antagoniste que l’épreuve initiatique, le rite de passage vers un défi encore plus périlleux et réservé aux plus téméraires.
Le second tableau – Le Sabre – est probablement le plus touchant. Muet ou presque, ce segment se déroule dans le Japon féodal et suit deux frères ennemis – un ninja déchu et un samouraï – qui s’affrontent pour laver un passé commun. Là encore, un Predator aux allures de démon masqué, les observe en silence, attendant son moment. Chaque duel est chorégraphié avec une précision remarquable. Il y a du Zatoichi dans le découpage, et même un soupçon de Genndy Tartakovsky dans le soin apporté aux détails.
UNE VRAIE GUEULE DE PORTE-BONHEUR
En dotant chaque Yautja d’un design distinct, Trachtenberg enrichit la mythologie. Fini le stéréotype du clone en dreadlocks imaginé par le génial Stan Winston : ces Predators ont des tailles, des armures, des postures différentes, affirmant une diversité culturelle et biologique qui en fait plus que de simples monstres. Une idée simple mais efficace pour relancer l’intérêt de la saga et enrichir le bestiaire.
Le dernier acte, La Balle, détonne du reste par son cadre : Le film s’envole pour une bataille aérienne en pleine Seconde Guerre Mondiale où le jeune Torres, aspirant pilote, se distingue par son courage et son ingéniosité. Moins intense que ses prédécesseurs, ce chapitre a le mérite d’explorer une autre forme d’affrontement : celui des pilotes et de leurs machines. La technologie humaine croise celle des Yautja, et l’enjeu devient encore plus tactique.
Ces trois parties déjà impressionnantes sont suivies d’un épilogue qui les relie les unes aux autres et ouvre la porte à une nouvelle histoire que l’on devinait aisément. Nos trois guerriers se retrouvent réunis pour un ultime combat, face à celui que l’on appellerait le « boss de fin » dans les jeux-vidéos. Cet épilogue et sa fin ouverte ont une double fonction : synthétiser la quête du Predator (sélectionner les meilleurs, toujours) et amorcer une suite probablement déjà dans les tuyaux. Car oui, Killer of Killers appelle un prolongement. Mais pour une fois, ce n’est pas une manœuvre cynique : c’est une promesse.
On aurait pu se méfier de ce spin-off animé, produit en douce par Hulu et glissé sur Disney+ comme un énième dérivé dispensable. Mais à la manière du Animatrix pour Matrix, Predator : Killer of Killers élargit les perspectives et les canons de la franchise. Mieux, il redonne du corps et de l’âme à un univers trop souvent malmené. On retrouve ici ce qui faisait la force du Predator de McTiernan et Schwarzenegger : la confrontation de deux mondes forgés par la guerre, et la violence cathartique et révélatrice de la nature profonde des individus. La conclusion est dès lors aussi implacable qu’un Predator devant sa proie : avec Killer of Killers, Dan Trachtenberg signe sans aucun doute le meilleur opus de la franchise depuis l’original, et on en redemande.
Bande-annonce
6 juin 2025 – De Dan Trachtenberg, Josh Wassung
Avec Michael Biehn, Rick Gonzalez, Louis Ozawa Changchien