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ONIBABA

Au XIVe siècle, la guerre entre les samouraïs ruine le pays. Une femme et sa belle-fille subsistent difficilement en vendant les armes des soldats qu’elles ont tués. Apprenant un jour que sa bru a une liaison avec un déserteur, la belle-mère se déguise en démon pour la terrifier.

Critique du film

Dès son ouverture, Onibaba donne le ton de ce que sera cette œuvre belle et étrange : une musique quasi martiale retentit, une agression mortelle a lieu, filmée avec brutalité et l’absence de dialogues initiale accentue cette sècheresse. On découvre deux femmes qui semblent réduites à leurs pulsions élémentaires, animales : on tue, on mange, on dort. Très vite, on apprend que ces deux femmes – une belle-mère et sa bru – tuent des soldats et revendent les affaires de leurs victimes pour subvenir à leurs besoins et surtout assurer leur survie. 

La faim qui les tenaille les rend constamment agressives. Le fils de la femme la plus âgée, le mari de la plus jeune, était un soldat tué au combat. Son compagnon d’armes revient seul et se joint aux deux femmes. Mais bientôt le désir sexuel de l’homme pour la veuve vient semer le trouble, car la belle-mère aimerait se proposer à l’homme, s’offrir à lui et, surtout, elle craint qu’une relation entre la jeune femme et le déserteur ne vienne compromettre l’association criminelle qui les fait vivre. La vieille femme semble tout à fait consciente que sa jeune complice n’est attachée à elle que par l’appât du gain et par la nécessité de la survie. A la jalousie se mêle donc une angoisse viscérale de se retrouver sans argent et sans nourriture.

Film d‘horreur, tragédie existentielle sur la survie et film érotique, Onibaba semble être tout cela à la fois. Cette œuvre de Kaneto Shindo, tournée en 1964 et l’une de ses plus célèbres avec L’Île nue et Kuroneko, déploie une vision très sombre, voire nihiliste de l’humanité et de l’existence. Pas de sentimentalisme dans les rapports entre hommes et femmes, juste des pulsions à satisfaire. Pas plus de solidarité entre femmes. Domination, manipulation tout est bon pour se protéger, pour continuer à survivre, presque comme un animal mais qui aurait assez d’intelligence dévoyée pour se comporter avec ruse et perversité. 

Onibaba, d’une grande beauté plastique, donne toute son importance aux visages des interprètes et convoque à la fois fantômes, démons et peurs ancestrales – qu’est-ce donc que ce trou qui semble sans fond ? « Je n’ai encore jamais rien vu de vraiment beau depuis ma naissance » dit une des femmes au samouraï masqué qui fait son apparition au cours de ce récit qui fait l’effet d’un électrochoc et qui n’a pas pris une ride. 


Onibaba est à nouveau disponible en vidéo depuis le 5 mars 2024 en DVD et en version restaurée, édité par POTEMKINE. Comme souvent avec cet éditeur, le fim est accompagné de suppléments passionnants : « Le Masque de la démone », une analyse du film par Stéphane du Mesnildot, un portrait de Kaneto Shindo par Clément Rauger et la bande-annonce du film. On peut également se procurer Onibaba en Blu-Ray dans un coffret qui l’associe à un autre film de Kaneto Shindo : Kuroneko.

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