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LES HÉROÏQUES

Michel, ancien junkie, est un éternel gamin qui ne rêve que de motos et traîne avec son grand fils Léo et ses copains. A cinquante ans, il doit gérer le bébé qu’il vient d’avoir avec son ex, et se bat pour ne pas répéter les mêmes erreurs et être une mec bien.

Critique du film

Porté par un acteur exceptionnel et une sincérité absolue, Les Héroïques suit le parcours de rédemption d’un homme en reconquête permanente. Sans éviter tous les écueils du genre, le film trouve sa beauté dans l’énergie désespérée que met son anti-héros à surnager.

Une vie de fracas

Il est des visages qui valent scenario. Sur celui de François Créton, on peut lire mille vies, toutes plus chaotiques les unes que les autres. C’est un visage d’usure et d’excès mais encore habité par un regard fabuleux. Deux yeux comme deux gyrophares, appels au secours et lumières dans la nuit.

Après plusieurs courts-métrages (dont Beautiful Looser en 2018, avec Romane Bohringer), Maxime Roy, qui était le gendre de François Créton, a voulu porter cette vie de fracas à l’écran. Pour compléter la narration de ce récit autofictionnel, il s’entoure non seulement de Roméo Créton (fils de François, qui signe également la musique originale du film, et frère de Lola), mais de tout un grand casting de seconds rôles, composé d’Ariane Ascaride, Richard Bohringer, Clotilde Courau et Patrick D’Assumçao.

Longtemps à la dérive, Michel s’accroche à sa nouvelle paternité comme à une bouée. Il possède en lui l’attachant paradoxe des junkies, cette lutte permanente entre appétit de vivre et pulsion de mort. Le récit s’emploie à nourrir ce grand écart, en plaçant Michel à mi-distance de son très jeune fils et d’un père rongé par la maladie. Lui qui déborde des cadres – notamment dans une scène de pure comédie à Pôle Emploi – se voit rattrapé de tous côtés par le familial.

La scène inaugurale, une prise de parole lors d’une réunion des alcooliques anonymes, touche d’emblée très fort. Michel exprime à la fois sa volonté et son désarroi. Son verlan daté fait sourire, sa colère intimide, ses larmes apostrophent. Il y a chez François Créton la tendre folie d’Albert Dupontel et la sèche rugosité de Harvey Keitel – entre un ange et un diable, un clown et un tragédien. Cette complexité se lit sur son corps, où les tatouages semblent être des notes de bas de page. « La parole humaine » répond à « Lucifer » – et l’on comprend la difficulté de regagner la confiance quand on habite une cave et qu’on a fait de sa vie un terrain vague.

Les Héroïques

Grandis !

Maxime Roy assume un réalisme social à l’anglaise, où le drame et la comédie se côtoient comme deux faces d’une même vérité. À cela s’ajoute un parcours de rédemption classique avec le bon samaritain qui cache un passé compliqué, les mains tendues, innocentes ou piégées. On pense à Mike Leigh et Abel Ferrara, maladresses comprises. À trois reprises, Roy fait appel à la chanson pour souligner un lien, une atmosphère. S’il réussit l’exercice avec Eddy de Pretto, dont le titre Kid introduit un thème fort tout en provoquant une jolie scène de complicité, on regrettera en revanche le choix de Daniel Guichard, qui avec la chanson Mon vieux vient paraphraser lourdement une scène qui n’en avait pas besoin.

Michel reçoit par deux fois l’injonction de grandir ; de la bouche d’Hélène, son ex, et de celle de Josiane, sa belle-mère. Après être passé encore une fois au bord du précipice, Michel va finir par trouver la bonne impulsion et Maxime Roy sa plus belle scène : dans la camionnette de Jean-Pierre (le bon samaritain), son bébé dans les bras (on vient d’apprendre son prénom, Arnaud), Michel écoute la dernière composition de Léo, avec qui les relations ne sont plus au beau fixe. Un rap libérateur dans lequel le jeune homme évoque son enfance par deux fois abîmée.

Les héroïques est un titre à la fois ironique et sans cynisme aucun. Michel, avec son blouson de cuir estampillé « loser », est un absolu antihéros dont Maxime Roy tire une magnifique portrait – et dans lequel François Créton et sa « gueule cassée » éclate ici d’un talent qui, sans être protéiforme, est assurément inimitable.

Bande-annonce

le 20 octobre 2021De Maxime Roy
avec François Créton, Roméo Créton et Ariane Ascaride


Présenté en Séance Spéciale au festival de Cannes et en avant-première à De l’écrit à l’écran




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