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LE RENDEZ-VOUS DE L’ÉTÉ

Au cœur des Jeux olympiques de Paris 2024. Blandine, 30 ans, est venue de Normandie pour assister aux compétitions de natation et retrouver une demi-sœur perdue de vue depuis 10 ans. Habituée au calme et à la solitude, Blandine découvre une ville bouillonnante dont elle n’a pas les codes. Au fil des jours, la jeune femme fait des rencontres, se perd, hésite, tente de (re)tisser des liens et de naviguer au cœur d’un Paris enfiévré par cet événement hors normes…

Critique du film

Cycle Hello Summer ☀️

Elle est de celles dont on ne remarque pas immédiatement la présence. De celles qui ne veulent pas déranger. Elle est de celles qui flottent à la surface de la vie. Elle est aussi de celles qui savent ce qu’elles ne veulent pas. Elle, c’est Blandine, Normande trentenaire de passage à Paris pour les Jeux Olympiques. L’événement du film, c’est elle, son décalage, ses aspirations, sa pureté. Des Jeux, comme elle, nous ne verrons pas grand-chose. La foule, la fête au Club France, la sécurité omniprésente. La manifestation est cependant davantage qu’une toile de fond, elle agit comme un catalyseur de récits et de trajectoires. Blandine la frôle dans un mouvement asymptotique qui semble lui coller à la peau. Elle devait être là avec Caroline, ajouter la fête à l’amour, vivre à deux l’insouciance de l’été et l’adrénaline de la compétition. De Caroline, il ne reste qu’une photo dans la galerie de son téléphone, une présence/absence cruelle et rassurante. « Je vais essayer de plus l’aimer » répond-elle à Alma qui se montre curieuse. Alma, c’est la fille de Julie, demi-sœur de Blandine avec qui cette parenthèse parisienne sonne les retrouvailles après dix ans de silence.

Chaque rencontre est l’occasion d’en savoir un peu plus sur Blandine, la grande discrète selon les mots de Julie. Le charme du personnage repose sur cette contradiction que pointe un peu plus tard sa demi-sœur en lui offrant un bracelet de sa création : « comme toi, il est transparent et opaque ». Blandine ne cultive aucun mystère, elle évolue selon une ligne claire et franche tellement hors de mode qu’elle semble anachronique. C’est peut-être Benjamin qui la résume le mieux en la qualifiant de « drôle de fille ». Il est électricien chargé de maintenance à la piscine olympique qu’il fait découvrir nuitamment à Blandine. Un élan de gentillesse qui lui vaudra un baiser spontané et maladroit.

Blandine, c’est aussi un personnage miroir tels qu’ont pu l’être, dans le cinéma contemporain Lazzaro ou Bécassine chez Alice Rohrwacher et Bruno Podalydès. Elle dégage, comme eux, une forme d’innocence qui inverse le rapport habituel entre force et faiblesse. Exemplaire est à ce titre la confrontation avec le policier face auquel elle se trouve à la suite d’un malentendu. Au poste, elle se fait la porte-parole de celles et ceux qui perdent beaucoup d’énergie à respecter les règles. Par quoi faut-il être aveuglé pour la soupçonner, elle qui passe son temps à s’assurer qu’elle ne dérange personne, de vouloir troubler l’ordre public ?

le rendez-vous de l'été

Le film glisse comme ça, avec pas mal de subtilité, des questions qui forment un tableau des travers de l’époque, grossis par les JO. Le père d’Alma fait partie d’un collectif qui dénonce le nettoyage social opéré par les autorités afin de rendre la capitale plus accueillante. Au coeur de l’événement, son engagement, aussi louable qu’il soit, tourne à l’obsession, au point de polluer toute conversation et de faire passer au second rang ses obligations de père. Julie surfe sur la vague olympique en vendant des bijoux bleu, blanc, rouge mais, précise-t-elle : « avec une petite étoile pour ne pas faire trop RN ». Elle se dit heureuse d’héberger Blandine, se sentant un peu coupable de ne pas avoir, comme tout le monde, de coloc olympique. Où se situent les limites entre le chauvinisme et le patriotisme, entre la solidarité et l’opportunisme ? Autant de questions qui semblent affecter Blandine, elle qui était simplement venue pour voir la nageuse Beryl Gastaldello, tenter d’oublier Caroline et renouer les liens distendus avec sa famille.

Il y a chez Blandine, une authentique sincérité. Impossible de ne pas la croire lorsqu’elle affirme souhaiter à Caroline d’avoir des enfants. Sur ce point, Blandine est sûre d’elle et la rupture était inévitable. Blandine donne l’impression d’être constamment au bord de la réalité, comme Valentine la filme au bord de la Seine, au bord de l’immeuble (sur le balcon, par une nuit de canicule), au bord du bassin olympique, puis au bord de la Manche. Elle est, au contraire, parfaitement centrée en elle-même, déterminée à ne pas faire comme tout le monde. Assise sur le sable, nous la quittons de dos, au bord des larmes.

C’est Blandine Madec qui interprète Blandine. Gauche et lumineuse, elle traverse le film sur un fil, en équilibre entre le burlesque et le dramatique. L’avenir nous dira, lorsqu’on connaîtra mieux la comédienne, si elle partage davantage que son prénom avec le personnage. Pour ça et pour mille autres raisons, on a hâte de la revoir.

Bande-annonce

11 juin 2025 – De Valentine Cadic


Cycle Hello Summer