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LE CHATEAU SOLITAIRE DANS LE MIROIR

Un beau jour, le miroir dans la chambre de Kokoro se met à scintiller. À peine la jeune fille l’a-t-elle effleuré qu’elle se retrouve dans un formidable château digne d’un conte de fées. Là, une mystérieuse fillette affublée d’un masque de loup lui soumet un défi. Elle a un an pour l’accomplir et ainsi réaliser un souhait. Seulement Kokoro n’est pas seule : six autres adolescents ont le même objectif qu’elle.

CRITIQUE DU FILM 


Le château solitaire dans le miroir est un projet qui se heurte à l’épineux problème de l’adaptation cinématographique d’un best-seller, avec le lot d’attentes et de déceptions que cela peut occasionner. Le roman de Mizuki Tsujimura (2017), vendu à plus d’un million d’exemplaires, est un phénomène mondial, favorisé par sa thématique sur le harcèlement scolaire enfin regardée « dans les yeux » après des années de déni. Keiichi Hara est un réalisateur chevronné qui, après avoir dirigé des séries d’animés, multiplie les projets de films, qui ont tous eu la chance d’arriver jusqu’aux salles françaises, fait rare pour un auteur d’extrême-Orient. Depuis Un été avec Coo en 2008, et avec le très remarqué Colorful en 2011 (tous deux primés au festival d’Annecy), Keiichi Hara développe des films ambitieux, notamment sur le thème de l’enfance, grattant là où cela fait mal, comme ici autour du personnage de Kokoro, adolescente tourmentée qui, comme six camarades, n’arrive tout simplement plus à se rendre à son collège.

C’est la première originalité de ces sept personnages : ce qui les réunit, et crée une empathie immédiate, c’est un traumatisme scolaire commun. Pour traiter ce sujet, l’histoire emprunte la métaphore du fantastique, emmenant tout ce monde dans un château féérique au centre d’une grande étendue d’eau. Le temps d’une année, cet endroit leur est accessible dix heures par journée, avec l’objectif de trouver une clef ouvrant une salle où le gagnant pourra exaucer un vœu. Là où cet enjeu pourrait devenir futile ou un prétexte à un déchainement d’égotisme, il est ici repoussé loin dans le temps, comme une toile de fond dont on reparlera plus tard, une fois qu’on aura appris à se connaître et qu’on aura résolu des problèmes plus pressants. Si la problématique du jeu est bien présente dans Le château solitaire dans le miroir, l’histoire ne cesse de rappeler que l’intérêt est ailleurs, et qu’il convient de ne pas foncer sur le dénouement avant d’avoir compris de quoi il est question.


L’absence de questionnement des sept adolescents est confondant, il leur faut plusieurs mois avant de s’interroger sur des choses simples : qui sont les autres, d’où viennent-ils, et quels problèmes les amènent dans ces lieux. Cette latence fonctionne grâce à l’artifice du va-et-vient entre le monde féérique du château et la gestion du quotidien de chacun et de chacune, toujours plus morne et difficile. Si le film est long, presque deux heures, sa gestion du temps, une année scolaire entière à dépeindre, est très habile justement grâce à la succession de moments intimes dans le réel, juxtaposés entre deux séquences de pause où l’on peut enfin réfléchir, et fuir dans un lieu sûr et protégé, hors du monde.

L’ensemble est plutôt séduisant, auquel on peut tout juste opposer une certaine candeur et un dénouement en forme de happy end presque déroutant vu la dureté du contenu jusque-là. Malgré tout, cette fin est plus intelligente qu’elle n’y paraît, avec une réflexion sur le devenir de ces enfants maltraités et une possible façon de surmonter le pire. Dans ces conditions, il est difficile de condamner une telle solution, qui offre une ouverture à la fois belle et pleine d’espoir, faisant oublier l’abondance de larmes versées dans les derniers instants qui n’étaient pas nécessaires, tant la maîtrise de Keiichi Hara était belle jusque là.

Bande-annonce

6 septembre 2023De Keiichi Hara, avec les voix de Shingo Fujimori, Rihito Itagaki et Yûki Kaji.




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