ALPHA
Alpha, 13 ans, est une adolescente agitée qui vit seule avec sa mère. Leur monde s’écroule le jour où elle rentre de l’école avec un tatouage sur le bras.
Critique du film
Après Grave, puis Titane – Palme d’Or controversée en 2021 pour un film à l’ambition plastique indéniable, mais au scénario vacillant – Julia Ducournau revient avec Alpha, présenté en compétition officielle à Cannes. Hélas, ce troisième long-métrage ne parvient ni à clarifier les intentions de sa réalisatrice ni à élever son geste cinématographique : on y retrouve les travers déjà présents dans Titane, poussés ici à leur paroxysme, sans jamais retrouver la puissance viscérale qui faisait au moins la singularité de Grave. Ce troisième long-métrage attendu au tournant confirme malheureusement une tendance : celle d’un cinéma de l’excès, plus tapageur que véritablement transgressif.
Le scénario se révèle rapidement confus, multipliant les fausses pistes, les personnages satellites et les ruptures de ton sans parvenir à tisser une véritable cohérence d’ensemble. La structure narrative, prétendument éclatée, donne plutôt l’impression d’un chantier inachevé, où chaque scène semble lutter contre la précédente pour imposer un sens. Les dialogues, souvent empesés ou inutilement hermétiques, desservent le peu d’élan dramatique que tente de construire le récit.
Côté mise en scène, la radicalité revendiquée vire trop souvent au maniérisme. La photographie, d’un gris uniformisant, peine à traduire visuellement l’intériorité des personnages ou la densité émotionnelle des situations. La sélection musicale, hétéroclite au point d’en devenir absurde, interrompt plus qu’elle n’accompagne, et le mixage sonore – criard, saturé, parfois insupportable – participe d’un dispositif qui semble confondre intensité et vacarme.
Les comédien·ne·s, pour la plupart pourtant reconnu·e·s, peinent à trouver leur place dans cet univers flottant. Faute d’un véritable ancrage émotionnel ou d’une direction d’acteur précise, leurs performances oscillent entre l’excès et le vide. Certaines sous-intrigues, esquissées puis abandonnées, laissent un goût d’inachevé et trahissent l’absence d’un regard vraiment maîtrisé sur le récit.
Alpha se voulait peut-être une fable organique sur le deuil inachevé, l’acharnement thérapeutique et les années sida. Mais en délaissant la rigueur de l’écriture au profit d’une posture de transgression devenue prévisible, Julia Ducournau semble ici s’égarer dans ses propres obsessions. Ce qui aurait pu être un geste cinématographique fort devient une œuvre confuse et prétentieuse, où l’effet de style prend systématiquement le pas sur la cohérence dramatique, et Alpha confirme que la radicalité sans boussole peut vite tourner à vide.