BILAN | Nos coups de coeur de septembre 2025
CHAQUE MOIS, LES MEMBRES DE LA RÉDACTION VOUS PROPOSENT LEUR FILM PRÉFÉRÉ LORS DU BILAN DU MOIS, CELUI QU’IL FALLAIT DÉCOUVRIR À TOUT PRIX EN SALLE OU DANS VOTRE SALON (SORTIES SVOD, E-CINEMA…). DÉCOUVREZ CI-DESSOUS LES CHOIX DE CHAQUE RÉDACTEUR·ice DU BLEU DU MIROIR POUR LE MOIS DE SEPTEMBRE 2025.
Le choix de François-Xavier

Left-Handed Girl vient de loin, d’une partie de l’Asie que Hou Hsiao-hsien et Edward Yang ont contribué à placer sur la carte mondiale du cinéma, mais aussi loin dans le temps, Shih-Ching Tsou ayant commencé à développer ce projet avant Take Out, film coréalisé avec Sean Baker il y a 20 ans. Shu-Feng, la quarantaine fatiguée, s’installe avec ses deux filles, dans un minuscule appartement de Taipei. Elle loue un stand au marché nocturne pour tenir une échoppe de soupe de nouilles. On comprend qu’il s’agit d’un nouveau départ, peut-être d’une dernière chance. Left-Handed Girl est la chronique intranquille de ces trois générations de femmes dans les lumières aveuglantes d’une Taipei en mouvement permanent où ce sont les hommes qui encaissent, menacent et héritent. Ainsi le grand-père d’I-Jing lui interdit l’usage de sa main gauche, la main du diable. Croyance d’un autre temps qui trouble l’esprit de la petite fille entraînée dans un labyrinthe d’expérimentations. Une fausse grand-mère, un éphémère petit frère, la famille semble tendre un élastique jusqu’au point de rupture. Au jeu des sept familles du cinéma, je demande le grand frère de I-Jing, l’inoubliable Yang-Yang de Yi Yi. On ne fera de meilleur éloge du film qu’en le remerciant d’avoir convoqué, par une escapade récréative, son souvenir.
Le choix d’Antoine

La multiplicité des émotions – parfois contradictoires – qui envahissent le spectateur à la fin du visionnage de Sirāt n’est-elle pas le signe le plus éclatant de la réussite de ce singulier projet ? Le film d’Óliver Laxe s’impose d’emblée comme l’une de ces œuvres qui marquent durablement la mémoire, tant elles procurent une expérience sensorielle quasi métaphysique. En abandonnant progressivement les enjeux narratifs initialement esquissés, cette traversée du désert marocain se mue peu à peu en une méditation transcendantale sur la quête d’identité. Dans cette lente déconstruction, le paysage devient personnage, le silence se fait langage, et chaque plan semble tendre vers une vérité autre. Sirat ne raconte pas seulement une histoire, il propose une expérience intérieure où la frontière entre réel et spirituel se brouille. Et si le film désarçonne par son refus des conventions et ses bascules scénaristiques vertigineuses, c’est pour mieux interroger le spectateur sur sa propre humanité. Puissant !
Le choix de Fabien

Le vendredi de ses 29 ans, Nino apprend qu’il a un cancer et qu’il doit démarrer une chimiothérapie 3 jours plus tard. Le sujet est dur mais la façon dont Pauline Loquès l’aborde ne l’est pas. Au grès de rencontres le temps d’un week-end, avec un subtil mélange d’humour et d’émotion teinté de poésie, elle filme le basculement d’une vie, de la sidération à l’acceptation, chez un jeune homme encore dans l’insouciance de la vingtaine. Porté par la révélation Théodore Pellerin, épaulé par un très beau casting de seconds rôles, un des films les plus beaux et touchants de l’année.
Le choix de Théo

Ce mois de septembre aura été marqué par des œuvres tenues à un réel très strict, de Put Your Soul On Your Hand and Walk et sa mise en scène irrémédiablement distante en passant par le no man’s land de À 2000 mètres d’Andriivka, le cinéma documentaire est toujours bel et bien une passerelle vers les actes du monde. La fiction n’en a pourtant pas oublié son statut de médiatrice avec la réalité, preuve en est avec le dernier-né d’un des cinéastes les plus minutieux de notre temps. Aucun doute qu’on écrira des pages et des pages sur Une bataille après l’autre, long-métrage à la densité vertigineuse, aussi bien narrativement que visuellement. La dissection d’une œuvre aussi politique va de soi, il faut toutefois souligner l’importance qu’un tel film (américain surtout) sorte maintenant. Dans un monde tendant de plus en plus à diaboliser ceux qui tentent de changer le système, où la connotation du mot « révolutionnaire » a été déformée pour répondre aux peurs absurdes d’une élite en place, voir Paul Thomas Anderson s’emparer, certes parfois indirectement, d’une actualité aussi dramatique et en faire un tel pamphlet contre le fascisme et l’extrême droite a de quoi rappeler pourquoi l’expression par l’art n’a jamais été aussi nécessaire.
Le choix de Matthieu

Le choix de Sam

Bien sûr il y a Nino et Left-handed girl, tous deux très remarqués et à juste titre à la Semaine de la Critique. Mais il y a aussi un laissé pour compte, sous-estimé au cœur de la sélection officielle, qui a trouvé le chemin des salles ce mois-ci : Renoir, second long-métrage de Chie Hayakawa. Délaissant la dystopie dramatique de Plan 75 pour un récit plus intime situé dans les années 1980, la nippone confirme une sensibilité de mise en scène rare, à la fois pudique et précise, dans l’observation des questionnements, des solitudes et des petits détails qui tissent nos vies. À hauteur d’enfant, sans surplomb et avec une grâce retenue qui évoque le cinéma de ses illustres aînés (Kore-eda, Sōmai), elle filme le quotidien de l’attachante Fuki et signe une superbe chronique de l’enfance, du deuil et de la résilience, qui aurait mérité bien plus d’attention. À Cannes comme dans nos salles.



