BILAN 2025 | Nos séries coups de coeur de l’année
2025 aura été une année sérielle traversée par des récits forts, parfois inconfortables, souvent nécessaires. Des fictions politiques aux chroniques intimes, des expérimentations de genre aux relectures contemporaines de grands récits classiques, les séries qui nous ont marqué·e·s cette année ont en commun une même ambition : regarder le monde droit dans les yeux, interroger nos violences, nos institutions, nos désirs et nos contradictions. Qu’elles dissèquent l’emprise, la masculinité toxique, la guerre, l’amour qui s’étire dans le temps ou les rouages du capitalisme culturel, ces œuvres rappellent à quel point la série demeure un terrain privilégié pour penser le réel autrement. Voici notre sélection de coups de cœur de l’année, entre chocs émotionnels, propositions audacieuses et plaisirs de spectateurs pleinement assumés.

Au sommet de cette année 2025, il y a Querer, mini-série espagnole magistrale logiquement récompensée à Series Mania, où la fiction devient un outil de dévoilement redoutable. En suivant le parcours d’une femme qui décide de partir et de porter plainte contre son époux pour abus psychologiques et sexuels, la série de Alauda Ruiz de Azúa dissèque avec une précision glaçante les mécanismes de l’emprise : domination quotidienne, gaslighting, chantage affectif et violence psychologique masquée derrière une respectabilité sociale. Querer montre comment la toxicité masculine s’installe dans l’intime, s’appuie sur les institutions, l’entourage et les silences pour se perpétuer, et comment la parole des femmes, loin de les libérer immédiatement, les expose à la perte de leur stabilité, de leurs repères et parfois de leurs proches. Une œuvre vitale, sobre et implacable, qui refuse le sensationnalisme pour révéler la violence systémique à l’œuvre dans les couples et dans nos sociétés contemporaines. À voir sur Arte. – Sam

Bien peu d’auteur·e·s sont adeptes du sans faute, d’autant plus dans le milieu de la série télévisée, dont le format implique bien trop souvent une rentabilité nécessaire et rapide pour perdurer. Pourtant Vince Gilligan fait partie de ce cercle très restreint, du désormais monstrueux Breaking Bad, ainsi que son digne épilogue El Camino, sans oublier son magnum opus incarné par Better Call Saul, l’univers noir teinté d’un humour incisif développé ces dernières années n’a cessé de s’améliorer pour devenir une immense entité dont personne ne renie la réputation méritée. Naturellement, l’annonce d’une série inédite par Gilligan était faite pour relancer un espoir dans un monde du streaming de moins en moins conciliant avec les expérimentations. Plur1bus s’avère bel et bien être l’ambassadeur d’une créativité renouvelée, un ovni dans un paysage parfois saturé. Avec la prodigieuse Rhea Seehorn au jeu versatile en tête d’affiche, Pluribus est un mélange étrange, pas loin de créer un nouveau courant dans le genre du post-apo. Le scénario s’amuse de cet entre-deux étrange où le pire est arrivé avant de soudainement reculer (quoique, vraiment ?). Dur de bouder son plaisir devant une œuvre au rythme aussi singulier dans laquelle on retrouve pourtant tout le génie des œuvres précédemment citées. C’est le retour de cette caméra impossible, de ces plans géniaux dans des interstices où l’humain ne devrait pas voir – le retour des fameux « under-shot ». La nouvelle série de Gilligan est le terreau d’idées multiples, la lenteur parfois injustement critiquée de cette première saison semble tout à fait appropriée à la mise en place d’un univers fictionnel reposant sur le sentiment de solitude et d’abandon. Plur1bus ne galvaude jamais son statut « d’unique », c’en est très complexe de recommander la série en se référant à des œuvres préexistantes tant la nouvelle proposition de Vince Gilligan ne se rapproche de rien. Quel miracle qu’un tel melting-pot d’inventivité trouve son public en 2025, la preuve encore qu’il faut laisser le temps à celleux qui ont l’envie, afin de voir éclore des œuvres mûrement réfléchies. À voir sur AppleTV – Théo

Adolescence, mini-série britannique signée Jack Thorne et Stephen Graham, amplement récompensée cette année, est une de ces oeuvres que l’on pourrait désigner comme étant « d’utilité publique ». Retraçant en quatre épisodes l’enquête du meurtre de Katie, une jeune adolescente de treize ans, dont le principal accusé est l’un de ses camarades, Jamie, Adolescence décrit avec finesse tout un écosystème de la violence masculine dont la culture se propage chez les plus jeunes par l’influence des réseaux sociaux. Si l’on peut évidemment souligner le dispositif remarquable de plan-séquence qui participe à l’immersion des spectateurs dans une intrigue constamment sous tension, ce sont véritablement les thématiques abordées qui donnent à Adolescence son importance, soulignant avec précision la menace latente et insidieuse de la culture incel et masculiniste. Portée par des performances d’acteur.ices d’une puissante justesse, Adolescence n’est certainement pas une série agréable à regarder, mais c’est peut-être là même le gage de sa réussite. À voir sur Netflix. – Jeanne

Imaginée par R. Scott Gemmill et John Wells, The Pitt s’impose comme l’alliance remarquable entre le rythme feuilletonesque « à la papa » d’Urgences et les approches politiques des fictions contemporaines. Porté à bout de bras par Noah « Dr Carter » Wyle, The Pitt nous plonge en plein coeur d’une journée dans un hôpital de Pittsburgh. Dans un rythme sériel qui ramène à celui de 24 Heures Chrono, puisque chaque épisode résume une heure au sein de cette journée qui constituera la saison. Ce qui frappe surtout dans la série, c’est sa faculté à proposer une grande efficacité dramaturgie sans jamais être au détriment de l’humanité des personnages rencontrés. Alors que la série est toujours à la limite d’en « faire trop » dans son accumulation des problématiques modernes (le COVID est aussi bien évoqué que les fusillades, la crise des opioïdes et la détérioration des services publiques), elle se montre toujours d’une profonde dignité pour honorer le travail de celles et ceux qui constituent la force des services hospitaliers mais également pour saluer les patient.e.s et leurs proches. Une série haletante, à rattraper pour sa force politique et humaniste. À voir sur HBO Max. – Victor

Co-écrite par Rodrigo Sorogoyen, Sandra Romero et David Martín de los Santos, Los Años Nuevos est une chronique subtile et profondément émouvante du couple confronté au temps et aux contradictions de nos sociétés contemporaines. La série suit deux personnages sur une décennie, à travers leurs retrouvailles, leurs ruptures, leurs élans et leurs renoncements, en observant comment l’amour se transforme au fil des années. Son dispositif narratif, qui nous fait les retrouver à différents moments clés de leur histoire, crée une proximité rare et laisse affleurer toutes les nuances des sentiments. Portée par une écriture d’une grande délicatesse et des interprétations d’une intensité remarquable, la série fait traverser au spectateur toutes les émotions, du bonheur fragile à la douleur sourde. Los Años Nuevos touche par sa justesse et sa profonde humanité. À voir sur Arte. – Sam

Le prix d’une vie raconte les premiers pas de jeunes recrues suédoises des Casques Bleus de l’ONU en pleine guerre de Bosnie en 1993. Venus aider et protéger les civils, ces soldats à peine adultes vont rapidement perdre leurs illusions et être confrontés à la réalité du terrain. Si la série ne révolutionne pas le genre, elle remet en lumière un conflit européen rarement évoqué aujourd’hui dans les fictions et qui résonne pourtant beaucoup avec les affrontements actuels. La force d’A Life’s Worth réside notamment dans sa capacité à regarder la guerre à travers le prisme des destins individuels et à observer l’impact des enjeux généraux ou même internationaux du conflit sur les affrontements locaux et, surtout, les civils. Dans sa façon de filmer l’impuissance à protéger les populations, premières et plus injustes victimes de la guerre, la série montre qu’en trente ans rien n’a changé. Très bien produite et avec un solide casting, A Life’s Worth est une série efficace et surtout nécessaire qui alerte, en revenant sur un événement un peu oublié de l’Histoire moderne, sur la situation internationale actuelle. À voir sur Arte. – Fabien

Avec Empathie, la série québécoise rappelle à quel point l’humour peut être un formidable vecteur de tendresse et de lucidité. Capable de faire passer le spectateur du rire aux larmes en quelques scènes, la série brille par son humanité inouïe et son regard profondément bienveillant sur ses personnages. Sans jamais céder au pathos, Empathie explore les failles, les maladresses et les élans de celles et ceux qui tentent de prendre soin des autres — parfois au détriment d’eux-mêmes. Son écriture fine, son sens du dialogue et son humour irrésistible ancrent chaque situation dans un réel sensible, où l’émotion surgit toujours avec justesse. Rarement une série francophone aura su trouver un tel équilibre entre comédie et drame : Empathie s’impose sans conteste comme la série francophone de l’année. À voir sur Canal+ – Sam


Merteuil ne restera sans doute pas dans les mémoires comme un sommet de mise en scène dans l’histoire de la série française. Mais ce serait une erreur de ne pas laisser sa chance à cette première production hexagonale estampillée HBO Max. Académique dans sa forme, la série – entièrement réalisée par Jessica Palud – se distingue néanmoins par sa direction artistique soignée, et le choix de concentrer l’essentiel de son action dans des intérieurs d’époque. Une façon malicieuse de restreindre les décors tout offrant un écrin idéal à ces intrigues de salons et de manipulations feutrées, totalement fidèle à l’esprit des jeux de pouvoir du XVIIIᵉ siècle. Mais la véritable réussite de Merteuil réside dans l’intelligence de son adaptation des Liaisons dangereuses. Fidèle à l’œuvre de Choderlos de Laclos tout en adoptant un point de vue légèrement décalé, la série place la Marquise de Merteuil au centre du récit, portant sur elle un regard contemporain et féministe. À la fois préquelle et relecture respectueuse, la série explore la genèse de cette femme devenue stratège froide, non comme un simple monstre moral, mais comme le produit d’un monde inégalitaire dont elle ne pouvait de toute façon espérer sortir gagnante. Cette approche confère à la série une dimension plus politique que véritablement subversive, parfois au risque d’un certain didactisme qui, dans ses moments les moins subtils, semble forcer le dialogue avec notre époque. Rien toutefois qui n’entache le pur plaisir du spectateur à voir se réinventer pour le meilleur cet éternel classique de la littérature, porté par une distribution solide, au sommet de laquelle s’impose la magnétique Anamaria Vartolomei. À voir sur HBO Max – Antoine

La première question qui vient généralement à l’esprit devant la série de Seth Rogen est : « Pourquoi personne n’y a pensé plus tôt ? ». Investir les studios de production cinématographique pour tourner en dérision leurs décisions et leurs employé·e·s semblerait presque relever de l’évidence, tant le timing comique de la série s’avère constamment juste. The Studio est un merveilleux petit bonbon pour tous les cinéphiles également avides de séries, chaque épisode explorant une facette du cinéma : des tournages souvent éreintants aux projections tests qui jettent un froid, en passant par la difficulté de collaborer entre artistes créatifs et patrons ouvertement capitalistes. L’œuvre raille l’industrie tout en agrémentant ses blagues de caméos lunaires (ce passage avec le véritable Scorsese, instant sériel déjà culte), mais aussi de références amusantes. The Studio possède l’absurdité adorable d’un The Office, le rythme effréné des moments tendus de The Bear, et l’écriture millimétrée de Seth Rogen en incarne la parfaite touche finale. Comme on dit en bien peu de mots : vivement la suite. À voir sur AppleTV – Théo
Au fil des saisons…

Avec sa quatrième et avant-dernière saison, Hacks confirme son statut de comédie majeure, aussi brillante qu’acérée, portée par le duo étincelant formé par Jean Smart et Hannah Einbinder, toutes deux couronnées par des Emmy Awards amplement mérités. Cette saison resserre encore les enjeux autour du pouvoir, de la transmission et de l’ego, alors que Deborah Vance et Ava Daniels négocient une relation professionnelle et affective toujours plus électrique, prise entre ambitions créatives, blessures intimes et rapports de force générationnels. Ce qui distingue Hacks dans le paysage des séries humoristiques, c’est sa capacité rare à conjuguer efficacité comique et profondeur émotionnelle, sans jamais sacrifier l’une à l’autre. La série brille aussi par sa représentation nuancée des femmes, de l’âge, du succès et de l’échec, tout en maniant une satire corrosive du monde du stand-up et de l’industrie du divertissement. Drôle, cruelle et d’une finesse d’écriture remarquable, cette saison 4 frappe juste et fort. À voir sur Teva & Netflix – Sam

Oui, l’animation d’Invincible saison 3 est toujours perfectible, mais la série n’a jamais brillé dans ce département. La deuxième série de super-héros phare de Prime, après The Boys, revient à ce qui faisait tout son attrait à l’origine : des moments dramaturgiques totalement dingues et un rythme crescendo qui assure d’agripper l’attention du spectateur. Un retour en grâce nécessaire après la diffusion charcutée de la saison 2. Avec son protagoniste, un ado qui se responsabilise, la série brille le plus lorsqu’elle aborde des questionnements identitaires, quasi existentiels, qui, certes, restent très ancrés dans une fiction surréaliste (aliens, superpouvoirs, équipements technologiques futuristes), mais parviennent parfois à trouver un écho au-delà de l’écran. Déchiré entre les idéaux de son père, de son mentor rigoriste et de son petit frère, Mark a gagné en épaisseur et place la série sur les meilleurs rails pour sa prochaine saison. – Simon







